La Gare de Bossey-Veyrier

La Gare de Bossey-Veyrier, 1920

La Gare de Bossey-Veyrier

Un dossier de Rolf STAUB

Malgré son nom, la gare de Bossey-Veyrier est située sur le territoire de la commune d’Etrembières ! Elle fait partie de la ligne de chemin de fer, inaugurée en 1880, reliant Bellegarde à Annemasse, Evian et Le Bouveret. De nombreuses péripéties ont ponctué la vie de cette petite gare qui rêvait d’un grand destin.

Sous l’égide de la PLM

C’est sous l’égide de la Compagnie des Chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM), fondée en 1857, qu’est ouverte en 1858 la ligne Lyon-Genève par Culoz et Bellegarde. Suite au rattachement de la Savoie à la France, en 1860, Paris projette, pour des raisons stratégiques et commerciales, de créer une ligne Bellegarde-Saint-Julien-Annemasse-Thonon pour raffermir les liens avec l’ancienne province sarde et éviter ainsi le passage par Genève.

Le quartier général des constructeurs de la ligne est installé dès 1878 au Château de Veyrier. Le chef de section principal est Julien Truchot, ingénieur. Il fera l’acquisition du château en 1883 ! Ce même Julien Truchot sera le délégué de la PLM lors de la construction de la ligne Eaux-Vives-Annemasse. Il a notamment établi les plans du tunnel de Grange-Canal, construit en 1887.

Naissance d’une Gare

L’emplacement de la gare de Bossey-Veyrier fait l’objet de nombreux courriers et discussions, Bossey demandant que la gare se situe du côté de Pierre-Grand. Mais en 1877 le ministre des Travaux publics écrit au préfet que, pour des raisons financières et techniques, la gare sera construite sur le territoire de la commune d’Etrembières, car « elle dessert avantageusement Sierne et Veyrier, localités importantes du canton de Genève. »

Le ministre poursuit que « Veyrier et Sierne possèdent des minoteries importantes alimentées exclusivement par des blés de France. Enfin la maison d’éducation que l’on construit en ce moment à proximité de la station donnera à elle seule plus de trafic que les communes plus ou moins intéressées au déplacement des stations. »

Cette maison d’éducation est à l’origine du pensionnat Bois-Salève, qui sera géré dès 1939 par la SNCF, elle-même fondée en 1938, pour accueillir les enfants orphelins des cheminots. Cette institution ferme ses portes en 2003.

En 1878, la PLM donne adjudication de la construction des gares de Valleiry, Saint-Julien et de Bossey-Veyrier aux entrepreneurs MM. Vachia fils et Ferrière. Le tronçon de Collonges-sous-Salève à Ville-la-Grand est attribué à M. Petit, entrepreneur de travaux publics à Veyrier. Le cahier des charges exige que les travaux doivent être terminés et rendus dans un délai de quinze mois.

Une ligne rentable ?

Il s’avère que la ligne n’est pas rentable à ses débuts. Très peu de passagers sont recensés, en moyenne une personne par train à Bossey-Veyrier. Le transport de marchandises est également faible. Quatre trains s’arrêtent à Bossey-Veyrier, dans les deux sens. En 1881 déjà, le Conseil d’Etat genevois propose de construire deux lignes de raccordement et demande une concession au Conseil fédéral. Celle de Cornavin à Veyrier aurait une vocation internationale et celle de Rive à Annemasse une vocation régionale.

D’autre part, le 27 février 1882 est signée à Paris la « Convention de raccordement du chemin de fer de Bossey-Veyrier à la gare de Genève ». En préambule nous lisons : « Le Président de la République française et le Conseil fédéral suisse, également animés du désir de procurer aux citoyens des deux Pays de nouvelles facilités de communication…»

La ligne devait passer par Lancy, Carouge et Troinex.

Au vu du peu de succès de la ligne, on lit dans Le Patriote Savoyard du 24 janvier 1883 le commentaire suivant :

« On comprend, dans ces conditions, quel intérêt considérable le PLM a à relier lui-même avec Genève cette ligne de Bellegarde-Evian qui, jusqu’ici a coûté énormément d’entretien et ne rapporte rien. Avec le raccordement en gare de Genève, cette ligne deviendrait une sorte de chemin de fer de banlieue pour le canton de Genève et entrerait dans la circulation générale » (!)

D’ailleurs, dès 1880 la PLM était prête à financer elle-même la construction de cette ligne.

Pour des raisons essentiellement financières le projet Cornavin-Veyrier est abandonné. En 1884, le Grand Conseil vote à une large majorité le budget pour construire une ligne Vollandes-Moillesulaz et décide de poursuivre les études pour la ligne Cornavin-Vollandes. On parle donc déjà du CEVA…(Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, en construction actuellement).

Veyrier, un axe stratégique !

Si l’on se penche sur Veyrier, il est intéressant de noter qu’entre 1880 et 1892 – douze ans seulement – trois chemins de fer relient la commune au reste du monde ! En effet, en 1887 le chemin de fer Genève-Veyrier est mis en service et dès 1892 le train électrique à crémaillère grimpe au Salève. Mais cela ne durera pas longtemps, car la Compagnie des chemins de fer du Salève est dissoute en 1935 et la ligne de tram de la CGTE Rive-Veyrier est remplacée par des bus en 1956. Quant à la gare de Bossey, le trafic voyageurs est supprimé progressivement entre 1992 et 1997. Auparavant même des trains de Paris s’arrêtaient à Bossey-Veyrier.

Le doublement de la voie, souhaité par les élus, n’est jamais réalisé, par contre la gare permet le croisement de trains avec ses 700m de voie d’évitement. La ligne est électrifiée en 1971, car elle profite surtout de l’intense trafic des trains d’eaux minérales d’Evian. En 2010, la station est automatisée, supprimant ainsi le poste de chef de gare.

Grâce aux embranchements industriels, plusieurs entreprises s’installent près de la gare, comme par exemple la Colas. Même une chocolaterie, fondée en 1924, fait venir les fèves de cacao et le sucre par train. En 1927, cette chocolaterie deviendra la Javel.

Le CEVA, un avenir pour la gare ?

De nos jours, il existe toujours un embranchement desservant le syndicat mixte de gestion des déchets Sidefage. Les ordures ménagères de toute la région française sont acheminées par camion, compactées et chargées sur des wagons qui rejoignent quotidiennement l’usine d’incinération de Bellegarde.

Et quel avenir pour notre gare ? En 2009 déjà le Conseiller d’Etat genevois Robert Cramer envisage la réouverture de la gare de Bossey-Veyrier « qui mettra les habitants à 23 minutes de Cornavin grâce au CEVA ».

On pourra ainsi s’imaginer monter bientôt dans le train à Bossey-Veyrier ou au Pas de l’Echelle pour rejoindre Bellegarde et Paris ou le Valais en passant par Annemasse et St-Gingolph par la ligne du Tonkin…!

Car le Plan directeur cantonal de Genève 2030, élaboré en mai 2011 mentionne : « L’ouverture à long terme de la halte ferroviaire, déplacée et positionnée dans le hameau du Pas de l’Echelle, en lien avec le téléphérique… ».

Ce plan prévoit aussi le prolongement du bus 8 jusqu’au téléphérique. Le projet d’agglo franco-valdo-genevois de septembre 2011 prévoit également d’une halte RER Veyrier-Pas de l’Echelle :

« La nouvelle halte chemin de fer est destinée à desservir la centralité locale Veyrier-Pas de l’Echelle et à offrir une connexion au réseau urbain des TP…. Cette halte possède un fort potentiel de rabattement mobilité douce, en particulier des vélos…La gare marchandise existante du Pas de l’Echelle est préservée dans tous les cas. »

La gare de Bossey-Veyrier se réveillera-t-elle à nouveau, sera-t-elle ouverte aux voyageurs dans le cadre d’un nouveau réseau régional ? Verrons-nous la construction d’une halte au Pas de l’Echelle ?

Pourtant elle est toujours présente. Elle est un sympathique témoin de la vie locale et régionale et surtout transfrontalière depuis maintenant 133 ans ! Puisse-t-elle retrouver un certain lustre…

Rolf Staub

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