Texte ayant servi de fil conducteur à la balade historique
(auteure Emmanuelle Destremau)
1# Station service…
Voilà.
On y est.
On approche de la frontière.
La frontière. C’est juste une ligne sur une carte. Quelques pointillés insignifiants qui bien souvent sont tracés en dépit de la géographie en dépit du relief en dépit des coutumes.
De part et d’autre de la frontière, les êtres se croisent se connaissent partagent des langages et des recettes, partagent la topographie des montagnes, l’âpreté de l’hiver, la douceur des étés.
Passe ton bras à travers la frontière.
Enjambe la ligne.
Ton corps à cheval sur l’invisible démarcation.
Que se passe-t-il ?
L’air est-il différent ?
Les oiseaux volent-ils dans l’autre sens ?
La chanson de la rivière sonne-t elle plus grave plus aiguë ?
Non je ne crois pas.
Mais c’est comme ça.
Une frontière c’est un trait de feutre.
Une ligne imaginaire qui dépayse, qui sauve ou qui tue.
Selon les époques.
Parfois c’est de l’autre côté qu’il faut être pour survivre.
Parfois ces quelques pas franchis changent tout de la façon de respirer de marcher dans la rue de regarder les passants.
D’être.
D’avoir le droit à être.
À certaines époques de notre histoire cette frontière vers laquelle nous marchons était l’eldorado, le Graal, l’espoir ultime.
Des milliers d’individus fuyaient depuis l’Europe entière et cherchaient à entrer en Suisse, pays neutre alors, pour y trouver refuge.
Évidemment ce n’était pas si simple.
La Suisse n’accueillait pas tout le monde.
La traversée était surveillée.
Il fallait se cacher. S’organiser. Suivre une filière. Trouver les bons relais.
Payer cher parfois très cher.
Il fallait parfois lâcher son enfant aux mains d’un groupe de résistants en espérant qu’ils auraient les reins solides. Et les groupes achetaient avec de l’argent solidaire les chemins de passage à des réseaux bien organisés qui accrochaient de gros jambons
dans leurs caves.
Pour quelques poignées de jeunes héros et héroïnes qui ont souvent donné leur vie afin d’aider des familles et des enfants à fuir, combien de passeurs et de filières clandestines ont rempli leurs poches de ce pognon de la crève.
Ce pognon de la honte.
Celui qui encombre encore aujourd’hui les plages du pas de calais où l’on retrouve les vêtements des personnes migrantes, entassées trop nombreuses dans des embarcations de fortune en espérant rejoindre l’Angleterre.
Celui qui n’encombre pas les consciences des réseaux libyens qui assassinent les voyageurs clandestins par dizaines en les abandonnant dans le désert, parce qu’ils n’ont pas réuni la somme nécéssaire pour monter sur le bateau qui fera probablement
naufrage près des côtes italiennes.
La frontière est parfois au sommet de la montagne, pas si loin d’ici et les corps qui ont survécu en Méditerranée se hissent dans la neige fraîche des alpages en 2024 – en sens inverse de ceux qui tentaient l’ascension pour fuir les nazis en 1944.
Il y a toujours un territoire à fuir.
Une frontière à passer
et après une frontière une autre
et de chaque côté de la frontière,
des êtres humains qui ont tiré profit
et d’autres qui ont donné la main sans compter.
Les chemins du passé font toujours cogner le présent.
Le présent vient se fracasser aux mémoires.
Qui aurais-je été ? Une réfugiée ? Un passeur de tabac et de chocolat ? Une trafiquante
de la misère ou un juste ? Un escroc ou une résistante ?
Qui suis-je aujourd’hui ?
Sons d’archive et musique.
On plonge dans le passé.
2# Entrer dans le bois
Je m’appelle Mariane Cohn.
J’ai 22 ans.
22 ans pour toujours.
Ça arrive.
Quand la vie te fait le coup de la force, du coupe gorge, le coup du lapin un peu plus tôt
que prévu.
Tant pis.
Je suis tranquille mais je n’ai pas cessé d’être enragée.
Tant qu’il y aura de la haine et des frontières sanglantes.
Tant qu’il y aura des enfants en danger.
Tant que les hommes de pouvoir utiliseront les armes contre des populations innocentes.
Je serai morte mais toujours enragée.
Et depuis l’autre côté de la mort je vous envoie ce message.
Un message de paix comme une marche silencieuse dans l’obscurité.
Je ne veux pas qu’il soit doux.
Je ne veux pas qu’il soit résigné.
Je veux que ce message vous prenne à la gueule et vous balance un électrochoc.
Après tout je suis allée à l’école. Je connais la puissance des mots.
Je veux que ce message vous étreigne et que vous ne puissiez jamais l’oublier.
Que ce message ressemble à une randonnée dans la nuit.
Au cœur de la campagne.
Dans la beauté paisible des prairies éclairées par la lune.
Au cœur des îlots de l’Arve.
Sous le Salève.
Une randonnée dans le froid de l’hiver à la recherche des frontières.
Quitter le village doucement et s’enfoncer vers les bois obscurs.
Les frontières de notre humanité.
Ce message comme un voyage dans le temps.
Mais ce n’est pas seulement dans le passé que nous allons marcher.
Car la mémoire est un mille feuilles dont les couches ne cessent de s’interchanger.
Que ce message se transforme en randonnée intérieure, en un voyage en soi-même.
Vous êtes prêts ? Prêtes ?
Musique, bruits de pas, bruits de bottes…
#3 Dans la forêt
C’est la nuit la plupart du temps qu’on se déplacera.
Comme les sangliers.
Ils parcourent des centaines de kilomètres il traversent des régions entières vous savez ça ? Ils attendent la nuit. Ils se déplacent en famille et sans bruit. Parfois c’est un fleuve qui les arrête. Une ville inattendue. Une usine qui déploie ses cheminées et ses dalles de béton jusque dans leurs forêts. Un barbelé. Les sangliers n’ont pas dans la tête une cartographie humaine très développée. Les sangliers ne connaissent pas les frontières.
Mais ils sentent. Ils flairent que cette direction sera impossible. Trop d’humains trop de constructions trop de bruit. Danger.
Nous serons comme des sangliers. Nous serons à l’affut. Nous marcherons ensemble.
Nous éviterons de souffler et de grogner. Nous ne taperons pas du pied. Quand nous sentirons les odeurs dangereuses nous bifurquerons. Nous nous rendrons invisibles.
Nous nous donnerons la main. Nous flotterons dans la douceur de l’herbe. Nous serons comme des caméléons. Ou des poulpes. Nous disparaîtrons dans le paysage. Nous nous fondrons dans la roche. Notre peau changera de couleur. Nous cesserons de respirer. Sans un souffle nous nous envolerons comme des papillons derrière les arbres.
Ni vus ni connus. A mon signal. Nous serons transparents. D’accord les enfants ?
Sons de la forêt.
Station à la maison abandonnée ?
Deux soldats font le guet.
L’un allume une cigarette à l’autre.
Ils sont pris d’un fou-rire.
Puis une grosse explosion au lointain les rappelle à l’ordre.
#4 Traverser le ruisseau et longer les maisons
Je suis née en Allemagne en 1922.
Dans une famille d’intellectuels juifs laïcs.
Est-ce que vous imaginez déjà la suite ?
Mon père avait dû arrêter ses études et pour diriger une fonderie.
Un chef d’entreprise fou d’histoire de l’art.
Ma mère elle, était économiste.
Elle a publié des livres.
C’était une femme libre et puissante.
On a dû fuir Berlin en 1934.
Mes parent avaient senti le vent tourner très dangereusement.
Sons d’archives
Nous avons atterri à Barcelone dans un quartier de réfugiés juifs que nous avons dû fuir à nouveau au moment de la guerre civile espagnole.
Sons d’archives
Après quelques années d’études à Paris et en Suisse, la guerre a éclaté.
J’avais 17 ans.
J’ai suivi les jeunesses israélites de France et le mouvement des jeunesses sionistes qui opéraient pour garder le lien avec les familles juives cachées dans le sud de la France.
A Nice.
J’ai commencé à me rendre utile.
Agir dans la clandestinité.
Cacher de la nourriture, des documents.
Organiser nos déplacements.
Organiser le déplacement des familles cachées, comme un jeu de piste.
Comme une…
Attendez chut !
Sons inquiétants.
Arrêtez vous.
Tout le monde s’arrête.
Écoutez.
On entend des mouvements dans les buissons, des voix de soldats allemands.
Bloquez votre respiration comme on l’a appris ok ?
De lumières de torches percent la nuit. Des chiens aboient. Des coups de feu. Puis le calme revient.
C’est bon c’est passé.
Ça va ?
On peut se remettre à marcher.
Doucement.
Qu’est-ce que je disais ?
Les sanglier n’oubliez pas. La vigilance.
Ah oui !
J’étais si jeune et déjà je savais que ce n’était pas un jeu.
Nous savions que le pire se passait quelque part.
Nous savions.
Musique.
#5 le chemin large au bord de l’étang
Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
J’ai écrit ce poème en captivité.
A partir de 1942, la zone libre a été occupée.
Les juifs n’ont été nulle part en sécurité.
Les policiers français nous traquaient.
Nous pouvions être dénoncés à tout moment.
Nous avons redoublé de vigilance et pourtant.
En 1943 j’ai été arrêtée à Nice.
Plusieurs d’entre nous.
Incarcérés.
Interrogés.
Torturés.
Par des Français, oui.
J’étais enfermée et je pensais aux enfants. Je pensais aux enfants qu’il fallait aider à
passer la frontière. Mila Racine, une résistante russe de notre réseau qui avait sauvé plus
de 200 enfant déjà avait été arrêtée aussi. Je devais la remplacer. Je voulais sortir pour
prendre sa place. Pour que notre lutte ne s’arrête pas. Je voulais sortir. Je voulais leur
cracher au visage. Je voulais hurler. Mais j’ai tenu bon.
J’ai tenu bon.
Ils m’ont relâchée au bout de 3 mois.
Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Et je suis partie prendre la place de Mila.
Emmener des enfants à la frontière suisse.
Le plus d’enfants possible. Le plus souvent possible.
Chaque semaine, deux ou trois groupes, comptant chacun jusqu’à une vingtaine
d’enfants issus de toute la zone sud, franchissaient clandestinement la frontière, après
être passés par Lyon et Annecy.
La Suisse avait bien spécifié qu’elle n’accueillait pas les juifs qu’elle ne considérait pas
comme des réfugiés politiques.
Mais les enfants. Ils ne les refoulent pas.
Les enfants quand même.
Les petits que je prends dans mes bras ont parfois 2 ans, 3 ans.
Ils ne peuvent pas les refouler, n’est-ce pas ?
Et nous les accompagnons jusqu’ici, nous les tenons par la main. Voilà. C’est simple.
Moi je suis leur guide, leur cheftaine, leur maitresse imaginaire, leur marraine peut-être.
Je les pousse vers la frontière et je leur dis : allez-y maintenant c’est tout droit.
Marchez sans vous retourner.
Genève c’est tout droit.
6# le croisement
C’est par ici que nous aurions dû passer.
Beaucoup d’équipes – des groupes avec enfants, des familles aussi empruntent ce chemin. Je fais un léger détour mais c’est là.
Dans les étangs dans les îlots de l’Arve.
Derrière le cimetière.
Sur l’étang passe une barque dans laquelle une femme cache un bébé dans ses bras, un homme rame le plus discrètement possible. Quand ils réalisent que le public les observe, ils éteignent leur lampe à pétrole. La barque tente de se cacher derrière des haies. Un soldat se déplace dans les dans les hautes herbes et tente de les trouver avec sa torche. Il crie.
Tout le long de la frontière on a des passages et ils sont régulièrement « brulés » par des dénonciations alors il faut en trouver d’autres. Tout le long de la frontière, on a des amis.
Parfois invisibles. Parfois des douaniers. On a aussi des menaces.
On traverse parfois le Foron, rivière glacée à pieds, à Thonex, et le douanier peut nous aider à nous cacher ensuite au café Perriard. Sinon il y a une dame qui surveille le Foron et ferme ses volets en cas de danger. A Veyrier, il y a le cimetière et sinon on a utilisé une fois un portail au milieu des champs ; c’est un fermier qui a ouvert la porte avec le douanier. Sa fille apportait des sandwich et plein de produits du marché noir pour que les soldats ferment les yeux. La bâtisse de l’ancien café sert de point de rendez-vous pour les clandestins et les espions. Ils passent jusqu’à 6 personnes par jour.
Mais au printemps 1944, nous sentons que les Allemands sont de plus en plus nerveux.
Musique
Sons d’archives
Dans la prairie, sur les réservoirs d’eau, des miradors.
Un char garé devant.
De la fumée.
Une odeur de souffre.
Les sons se mélangent à la musique.
6# Dans la clairière
C’est là que nous aurions dû passer avec 32 enfants.
Mais nous avons croisé des Allemands sur la route.
Avec les enfant s, on était dans un camion qui est parti de Saint Julien en Genevois et devait rejoindre la zone. On a été arrêtés à Viry.
Emmenés à Annemasse où se trouvait le siège de la Gestapo.
Le maire d’Annemasse a réussi à placer les plus petits dans une colonie de vacance.
Les 12 plus âgés ont été enfermés avec moi à l’hôtel Pax.
L’hôtel Pax d’Annemasse devenu prison de la Gestapo.
L’hôtel Pax d’Annemasse devenu haut lieu de torture.
Jusqu’à 1000 prisonniers dans de toutes petites pièces.
Hôtel PAX Hôtel PAX Hôtel PAX.
Sur le talus en ombre chinoise on voit passer une femme qui fait marcher des enfants devant elle. Ils sont une dizaine. Il tentent de marcher le plus doucement possible. Tout d’un coup le projecteur du mirador se fixe sur eux. Les 2 derniers enfants sont attrapés comme des lapins dans les phares d’une voiture. Ils s’échappent.
Après tout je suis allée à l’école. Je connais la puissance des mots.
Je veux que ce message vous étreigne et que vous ne puissiez jamais l’oublier.
Que ce message ressemble à une randonnée dans la nuit.
Que la Gestapo ait choisi un hôtel au nom de paix pour y torturer des gens
Voilà qui m’a fait pleurer de fureur
A l’intérieur
J’aurais pu avaler ma langue rien que pour les faire enrager
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Hôtel Pax
C’est un détail qui ne change rien mais chaque détail compte.
C’est là qu’ils ont torturé les enfants déshabillés humiliés frappés
J’essayais de les réconforter
Je ne sentais pas les coups
Je résistais aux tortures pour tenter de les protéger
Le groupe des résistants racontera qu’ils ont essayé de me faire évader mais que j’ai
refusé par peur de représailles sur les enfants
Des adolescents gardés en captivité raconteront ce qu’ils ont subi.
Je ne saurai jamais que tous les enfants ont été sauvés grâce à la persévérance du maire
d’Annemasse Jean Deffaugt.
Il y a eu des êtres qui se sont battus pour en sauver d’autres n’oubliez jamais ça
Je voudrais que cette marche dans la forêt devienne une randonnée intérieure
Quel être humain choisit-on d’être.
Qui vais-je rencontrer au bout du chemin ?
7# Arrivée au cimetière
rescapé 1 :
Mansholt, un mec qui faisait au moins 1.90m, 120 kg, blond, quelques cheveux encore : une main c’était comme mes deux mains, et je me souviens très bien quand mon tour est venu, il m’a attrapé par le collet à l’entrée du bureau tout de suite. Paf, paf, j’ai valdingué à l’autre bout, je ne savais plus où j’étais, et après ça a été le nerf de bœuf…Il me demandait : « Où est ta mère ? Je lui disais qu’elle avait été déportée. Je ne pouvais lui dire autre chose, c’était la vérité. Et ça repartait…En dernier ressort il a voulu m’humilier, il m’a déculotté…
rescapé 2 :
Ce que je me souviens et qui est resté gravé dans ma tête, dans la nuit du 7 au 8 juillet 44, quand on est venu chercher Marianne. Et c’est Wishmann qui est venu la chercher, celui qui parlait très bien français, sans accent. Mais une gueule de…les lèvres minces, le regard méchant. Et la seule chose dont je me souvienne bien, c’est la voix de Marianne parce que nous, on était restés terrées lui disant :
« Je voudrais prendre ma brosse à dents »
rescapé 2 :
et il lui a répondu : « Vous n’en n’aurez pas besoin ».
C’est là que j’ai compris, et on ne l’a plus revue.
rescapée 3 :
Je lui ai donné la mienne. Elle était dans notre cellule…
rescapé 1 :
Marianne, c’était une personne admirable, parce qu’elle nous remontait le moral ;
elle était toujours souriante avec nous : « Vous inquiétez pas, ça va passer » et elle souriait, une sainte…
Rescapé 2 :
C’est vrai, on ne l’a jamais vu baisser la tête.
Rescapée 3 :
En souriant, elle avait les yeux qui s’illuminaient.
7# dans le cimetière
Je m’appelle Mariane Cohn.
J’ai 22 ans.
22 ans pour toujours.
Je suis tranquille mais mais toujours enragée.
Le 7 juillet 1944 ils sont venus me chercher.
J’ai été assassinée à coups de bottes et de pelle dans la forêt avec 5 autres résistants par des soldats de la Gestapo spécialement venus de Lyon.
spécialement
venus
de Lyon
pour nous
avec leurs bottes
et leurs pelles
Pas digne d’un coup de fusil ?
A coups de botte et de pelles ?
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Est-ce qu’ils ont emportés des pelles dans leur bagage ?
Est-ce qu’ils ont décidé d’économiser leurs munitions ?
Est-ce que le fusil était enrayé est-ce que…
Comment est-ce qu’on peut tuer des gens à coup de pelle…
Ça prend combien de temps ?
Pardon je…
Je ne voulais pas vous raconter ça
Je n’ai pas trahi finalement
Peut-être pas eu le temps
Pour toujours j’ai 22 ans
Et c’est un bel âge
Musique
9# A la sortie de la foret
Ils auraient dû prendre ce chemin mais il n’en ont pas eu le temps ce jour-là..
Le chemin du cimetière.
Vous en avez entendu parler ?
Le seul cimetière au monde traversé par une frontière.
Il se trouve ici à Veyrier.
C’est le cimetière israélite.
L’entrée est en Suisse, mais la plus grande surface de sépulture se trouve dans le village d’Etrembieres, en France.
C’est à cause d’une loi suisse qui interdisait l’extension des zones funéraires dans Genève ; le cimetière juif de Carouge arrivé à saturation acheta ce terrain en France en 1920 et inventa cette astuce.
C’est le gardien qui peut vous raconter ça.
Le gardien de ce cimetière en conserve toutes les histoires extraordinaires.
L’un des murs du cimetière donne sur France.
Par ce buisson sont passés des centaines de réfugiés.
Le gardien de l’époque les cachait ensuite dans l’oratoire, le bâtiment que vous voyez à l’entrée. Les morts aidaient les vivants.
Les arbres vont se taire maintenant
Les pierre du chemin vont vous laisser marcher avec le passé et le présent
Avec les fantômes
Avec le souvenir d’une jeune femme de 22 ans qui a donné son nom à des écoles et à des rues mais dont la tombe a disparu dans le cimetière de Grenoble.
Dont il ne reste qu’une plaque.
Et dont la mémoire peut subsister dans les récits de combien d’enfants sauvés de combien de petits-enfant et arrière-petits-enfants.
Qui peuvent peut-être encore raconter son geste et raconter son courage.
Il ne faut pas avoir peur des cimetières.
Les cimetières sont nos mémoires.
Celui-ci est unique au monde.
Il garde la trace aussi de tous les évadés.
Tous ceux qui ont été sauvés par un buisson ouvert par une brèche dans le mur par un
réseau d’humains décidés à ne pas se laisser faire.
Les morts et les vivants tous en même temps.
Le seul cimetière au monde traversé par une frontière…