La nécropole antique de Veyrier-Étrembières
Nous savons que les traces d’une activité humaine dans la région de Veyrier et d’Étrembières remontent aux environs de 11.000 à 13.000 ans avant J.C. Au pied du Salève, les stations magdaléniennes de la fin du paléolithique supérieur, bien connues du monde scientifique, nous ont en effet laissé un certain nombre de vestiges.
Mais il existe aussi dans la zone géographique de la Balme plusieurs autres vestiges intéressants, dont ceux d’une nécropole qui remonte à une période comprise entre le néolithique (6000 ans avant J.C.) et le haut Moyen Âge (période burgonde du Ve au VIIe siècle).
Sur les traces des burgondes
Entre 1891 et 1892, alors que Burkhard REBER mène des fouilles liées aux stations magdaléniennes, celui-ci met à jour, au lieu-dit « Les Berlies », des restes d’habitats gallo-romains, mais surtout un vaste cimetière abritant des tombes gauloises, romaines et burgondes. Cette nécropole montre des sépultures à dalles, ou en pleine terre, toutes orientées ouest-est, qui laissaient apparaître un mobilier rare et mal connu : objets d’armures et de parures, un cône rouge en terre cuite (peson de tisserand), et surtout une grosse plaque-boucle de ceinture ornée de rivets de bronze datant du VIIe siècle, si caractéristique de l’habillement des Burgondes de la haute société.
Les Burgondes, qui avaient succédé aux Romains en 443 dans la région de Sapaudia, n’ont quasiment pas laissé de vestiges de leur habitat. Cependant, ils nous ont légué un témoignage muet, mais éloquent, de l’importance qu’ils attachaient à la vie après la mort (ou plus exactement de leur dernière demeure, dans laquelle ils investissaient probablement plus que dans leur maison d’ici-bas). Les Burgondes, qui étaient chrétiens, mais cependant considérés comme « hérétiques », avaient été évangélisés par des prédicateurs ariens et ne croyaient pas vraiment à la divinité du Christ. Ils vécurent donc en marge de la société catholique et ce jusqu’à la conversion de leur roi Sigismond en l’an 515, ce qui fut d’une importance considérable dans l’histoire de la région
Des vestiges romains
L’ouverture dans le même secteur d’une carrière de sable en 1903 allait permettre l’exhumation de nouvelles tombes, en pleine terre, sans arrangement particulier, mais orientées cette fois-ci nord-sud. Ces sépultures laissaient apparaître un matériel céramique ayant appartenu aux derniers temps de l’occupation romaine. C’est de cet emplacement que doivent provenir les deux récipients conservés au Musée d’Art et d’Histoire de Genève dont un contenait un vieux papier jauni portant l’indication « trouvé dans une sablière près de la gare de Veyrier avec un squelette mais pas d’autres objets – il n’y avait qu’une rangée de pierres rondes faisant bordure autour du squelette ».
De l’âge de bronze au néolithique
En 1928, Louis REVERDIN et Louis BLONDEL découvrent plusieurs autres vestiges humains et mettent à jour des objets de périodes diverses, dont de la céramique et des épingles datant de l’âge de bronze, ce qui fait remonter l’existence de cette nécropole à une période bien plus ancienne (entre 800 à 2.000 ans avant J.C.). Cette analyse est confirmée en 1946 et 1947 quand Adrien JAYET découvre à son tour les restes de six individus en présence d’un mobilier datant au moins du bronze final. Mais c’est quelques années plus tard, en 1953, que la découverte la plus spectaculaire est peut-être faite lorsque Mario CURTI découvre les squelettes d’au moins trois individus qui sont accompagnés de divers éléments de parure datant cette fois-ci du néolithique moyen ! (4.000 à 5.000 ans avant J.C.).
La Balme, un haut lieu de sépulture
Au vu de ces éléments, il apparaît assez clairement que le territoire de la Balme a abrité un site funéraire d’importance sur une période particulièrement longue s’étendant au moins du néolithique moyen jusqu’au haut Moyen Âge. Une existence antérieure de cette nécropole semble en effet improbable en l’état actuel des découvertes (même si cela fut un temps avancé au moment des fouilles menées dans les stations magdaléniennes), car à l’exception d’un crâne de type Cro-Magnon découvert dans ce secteur, aucun autre ossement humain antérieur au néolithique n’a été trouvé, ce qui écarte à priori l’existence d’un lieu de sépulture à proprement parler pour cette période.
Mais qui sait ?…Le Salève ne nous a peut-être pas livré tous ses secrets !
© Jean Plançon – La Mémoire de Veyrier, décembre 2015.