Bisbille entre un roi et une impératrice, à cause du chemin de fer du Salève…

Elisabeth de Wittelsbach, dite aussi Sissi, Impératrice d’Autriche, Reine de Hongrie et de Bohême et de Lombardie-Vénétie.

L’impératrice Elisabeth, dite Sissi

Née à Munich, Élisabeth de Wittelsbach (1837-1898), plus connue sous le nom de Sissi, devint impératrice d’Autriche en épousant François-Joseph de Habsbourg-Lorraine (1830-1916). Une série de tragédies familiales la poussa à voyager à travers l’Europe, en particulier sur les bords du lac Léman où elle fit de fréquents séjours. C’est lors de l’un de ses séjours en terre romande qu’Élisabeth de Wittelsbach fut assassinée à Genève le 10 septembre 1898. Sortant de l’hôtel Beau-Rivage avec sa dame de compagnie, elle s’apprêtait à prendre le bateau pour Territet lorsqu’elle fut mortellement poignardée au moyen d’une lime par l’anarchiste italien Luigi Luccheni.

Sissi impératrice prend le train au Salève

Un an plus tôt, le 29 avril 1897, Sissi avait pris le train du Salève pour découvrir « la montagne des Genevois ». Son excursion ferroviaire fut d’ailleurs relatée par Le Cultivateur Savoyard dans son édition du 6 mai 1897.

« Jeudi, l’impératrice d’Autriche, qui était en villégiature à Genève, est montée au Salève par le chemin de fer électrique. Partie d’Étrembières à 1 h 40, où elle était arrivée en landau à deux chevaux, elle est rentrée par le train quittant les Treize-Arbres à 4 h ½. Le moment était vraiment bien choisi, car la vue était des plus belles, et à plusieurs reprises S. M. a exprimé sa plus complète satisfaction ».

Le roi du Siam aussi…

Ces quelques lignes parues dans le Cucu, surnom affectueux donné par ses lecteurs à cet hebdomadaire édité à Saint-Julien-en-Genevois de 1877 à 1963, suscitèrent l’ire d’un proche de l’entourage du roi du Siam, car sa majesté avait elle-même pris le train électrique du Salève quelques semaines plus tard, mais sans bénéficier de la même couverture médiatique que l’impératrice d’Autriche !
« On a passé un peu sous silence la visite de S. M. le roi du Siam au Salève. Le roi a cependant laissé sur le livre des étrangers, au buffet de la station, quelques lignes de son admiration pour le paysage du Salève, ces lignes venant dans le registre juste après la charmante appréciation de S. M. l’impératrice d’Autriche.
Nous savons, d’autre part, que le roi s’est montré enchanté de l’excellente et distinguée réception que lui ont réservée Mme et M. Hercourt, les aimables propriétaires du restaurant le Buffet des Treize-Arbres », indiquait cette personne dans un courrier publié dans Le Cultivateur Savoyard du 8 juillet 1897.

Rama V, Roi du Siam (actuelle Thailande)

Balade en ânes sur le Salève

En visite officielle à Genève, Rama V (1868-1910), roi du Siam, avait fait l’excursion du Salève le 25 mai 1897. Le lointain ancêtre de l’actuel roi de Thaïlande, Rama X, le dirigeant politique le plus riche du monde, avec une fortune estimée à 23 milliards d’euros, avait voyagé à bord d’un train spécialement affrété depuis la gare de Veyrier par la Compagnie du chemin de fer du Salève.

Rama V, Roi du Siam (actuelle Thailande)

« Le roi a été reçu par M. d’Everstag, président du conseil d’administration, M. Dapple, directeur de la Compagnie, et M. Desgouttes, secrétaire du département du commerce et de l’industrie, faisant fonction d’interprète. Ces deux derniers ont accompagné le roi pendant toute sa course. La Compagnie avait mis en marche un train spécial ; inutile de dire que tout a parfaitement marché. Le roi, qui était accompagné d’une douzaine de personnages de sa suite, a beaucoup admiré la ligne en montant, et s’est félicité d’être venu.

Aux Treize-Arbres, il s’est fait servir un thé complet, auquel il a invité tous ceux qui l’accompagnaient. Puis il a enfourché un des ânes qui se trouvaient là, et, avec sa suite, qui avait imité son exemple, il est allé contempler la vue sur la plaine, qu’il a trouvée superbe, et a poussé jusqu’à la Petite-Gorge. Cette cavalcade de princes et d’altesses parcourant à dos d’âne le sommet du Salève ne manquait ni de pittoresque, ni d’imprévu. Le roi regrettait beaucoup de ne pas apercevoir le Mont-Blanc, enseveli sous les nuages, et a demandé à plusieurs reprises s’il ne se montrerait pas ».

Des propos qui restent très actuels

C’est ainsi que Le Journal de Genève a relaté cette visite royale sur le Salève dans son édition du 29 mai 1897. La descente du massif s’est effectuée par la voie desservant Étrembières. En route, le roi s’est informé sur les conditions de vie et les occupations des habitants de Monnetier.

« Il a été surpris de se savoir sur terre française, et d’avoir ainsi si aisément et sans s’en apercevoir franchi la frontière suisse. Il a demandé si les populations suisse et française habitant près de la frontière se distinguaient l’une de l’autre de quelle manière, si elles étaient soumises aux mêmes lois et si il ne se produisait pas des conflits de législation ou des difficultés entre les deux pays ».

De retour à Genève, le roi du Siam était convié par le gouvernement genevois à participer un grand banquet au restaurant du parc des Eaux-Vives, banquet auquel assistait le Conseil fédéral in corpore. Les représentants de la Confédération helvétique ont offert au roi un fusil Schmidt-Rubin, un mousqueton de cavalerie et un revolver d’ordonnance, avec mille cartouches par arme.

©Dominique Ernst – La Mémoire de Veyrier, décembre 2019.

A savoir:

Le chemin de fer électrique à crémaillère du Salève (une première mondiale), qui transporta jusqu’à 87.000 voyageurs par an (en 1912), a fonctionné de 1892 à 1935. Deux lignes partaient d’Étrembières et de Veyrier pour rejoindre la gare principale de Monnetier-Mairie, d’où une voie unique permettait de gagner le terminus des Treize-Arbres.

Elisabeth, Impératrice d’Autriche
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