L’histoire de Veyrier à travers ses emblèmes, blasons et autres drapeaux (1/2):
« Une souveraineté souvent indécise »
De l’an 58 avant J.C, à l’année 1816 – date du rattachement de Veyrier à la République et Canton de Genève – la commune a connu un nombre important d’événements politiques qui l’ont conduite à se retrouver à diverses reprises sous la souveraineté d’États dont les frontières restaient souvent imprécises, fragiles et peu propices à être respectées.
Profitant des commémorations du bicentenaire du rattachement de la commune au Canton et à la Confédération Helvétique, le Groupement de La Mémoire de Veyrier a souhaité retracer le parcours politique de votre village à travers une exposition d’emblèmes, blasons et autres drapeaux que nous retrouvons ici sous la forme d’un dossier présenté en deux chapitres.
CHAPITRE 1 (-58 à 1804)
-58 à 443 après J.C.
De la Rome antique au Royaume des Burgondes
Située dans le pays des Celtes Allobroges – dans la région romaine de la Gaule Transalpine – Veyrier ne prend véritablement naissance – sous le nom de Viriacum – qu’après l’arrivée de Jules César en 58 avant J.C.
L’emplacement pourrait avoir comme origine un domaine appartenant à un dénommé Varius.
La région, qui prend ensuite le nom de Sapaudia, est conquise par les Burgondes chassés de Rhénanie par les Huns en 443. Ils transfèrent alors leur royaume sur les bords du lac Léman et font de Genève leur nouvelle capitale.
Les traces de leur habitat sont cependant minces. Mais, à Veyrier, les Burgondes ont néanmoins laissé un témoignage assez important de leur passage puisqu’une importante nécropole fut découverte au pied du Salève. Durant les fouilles menées à la fin du XIXe siècle, de nombreux objets ont été trouvés, notamment des plaques-boucles de ceintures, si caractéristiques de l’habillement burgonde.
534 à 1032
Du Royaume des Francs au Saint-Empire romain germanique
En 534, le royaume des Burgondes est intégré au royaume des Francs dans le cadre duquel, à la fin du VIe siècle, il prend le nom de Regnum Burgundia – ou Royaume de Burgondie (dit aussi Royaume de Bourgogne).
Mérovingiens et Carolingiens se succèdent alors sans que l’on sache avec précision quelles répercussions ont pu avoir dans la région de Veyrier le couronnement de Charlemagne comme Empereur d’Occident en l’an 800.
Bannière du Saint-Empire romain germanique
Tout au plus, nous savons que le rattachement du Royaume de Bourgogne à l’autorité de l’Empereur du Saint-Empire romain germanique en 1032 va permettre de donner plus de poids aux petits seigneurs locaux comme les Villette, propriétaires de la place forte de Cymont – qui contrôle l’accès au chemin de l’Echelle -, et les sires de Ternier – qui tiennent toute la région dans la dépendance des Comtes de Savoie. Enfin, de ne pas oublier que l’Eglise assoie aussi son autorité, notamment par le biais du Chapitre de la Cathédrale Saint-Pierre dont la juridiction s’étend sur des terres bien au-delà de Genève.
1032 à 1416
Du Comté au Duché de Savoie
Suite au fractionnement de la Sapaudia gallo-romaine, puis ensuite de la Saboia carolingienne, le Comté de Savoie avait déjà pris naissance vers l’an 1003.
Humbert 1er (970-1042), Comte de Salmorenc, de Nyon, d’Aoste, de Maurienne, puis de Savoie, fut le fondateur de la dynastie de la Maison de Savoie, alors que Amédée VIII (1383-1451) sera le premier à porter le titre de Duc.
1536 à 1567
Sous l’occupation bernoise
Après le Traité de Combourgeoisie passé en 1526 entre Berne, Genève et Fribourg, le Duc de Savoie intensifie ses efforts sur le plan diplomatique pour tenter de faire annuler cette alliance.
L’influence de Berne, qui est réformé depuis 1528, va déterminer le choix religieux de Genève alors que Fribourg décide de rester catholique. Les tensions avec le Duc de Savoie entraînent cependant en 1536 l’invasion du pays de Vaud par les Bernois qui prennent également possession des baillages de Gaillard et de Ternier dont dépendent Veyrier, Sierne et Vessy.
Les chroniqueurs de l’époque rapportent que cette occupation entraîna des incidents à Veyrier et que la place forte de Cymont fut même incendiée. Les litiges entre habitants s’accentuèrent même lorsque Sierne fut cédée à Genève alors que Veyrier restait sous domination bernoise. Les enchevêtrements juridiques, et religieux, furent alors à l’origine de nombreux conflits entre les deux villages, au point qu’il fallut nommer un officier de paix, aux ordres du châtelain du Chapitre, pour maintenir le calme.
Tout cela allait finalement s’apaiser avec le Traité de Lausanne de 1564 qui allait permettre aux baillages de Gex, Ternier, Gaillard, Chablais et Faucigny de retourner sous le giron du Duc de Savoie.
Le Traité ne sera cependant ratifié que le 29 mai 1567 et Veyrier ne retrouvera la tutelle savoyarde que le 26 août suivant.
1567 à 1720
Vers le Royaume de Sardaigne
Veyrier revenue dans le giron de la Savoie en 1567, ne connaît pas de grands changements jusqu’en 1603, date à laquelle le Traité de Saint-Julien met fin aux querelles entre Genève et la Savoie. Le Traité dote cependant Veyrier d’un curieux statut qui correspond mal à l’idée que l’on peut se faire d’une frontière et donc de la souveraineté de l’Etat. La commune fait en effet partie du baillage de Ternier et dépend – en théorie – directement d’une province de Savoie : le Genevois.
Mais le Duc connaît plusieurs restrictions, d’une part parce que Veyrier se retrouve en zone démilitarisée ; ensuite parce que la seigneurie de Genève conserve ses droits sur les terres de Saint-Victor et de Chapitre. Cette dernière peut donc percevoir des droits féodaux, lever des impôts et rendre même la justice civile et pénale sur les terres en question.
Le 8 août 1720, l’Empire d’Autriche rétrocède à la Savoie le royaume de Sardaigne en échange du royaume de Sicile. Le Duc de Savoie est alors promu Roi de Sardaigne.
Cette nouvelle situation n’apporte cependant guère de grands changements pour la commune de Veyrier, car ce n’est qu’à partir de l’année 1754, et à la faveur du Traité de Turin, que Veyrier passe totalement sous la souveraineté d’une Maison de Savoie qui assure désormais le plein contrôle de l’ensemble de ses territoires.
La couleur nationale azur
Un nouveau drapeau flotte désormais sur le royaume de Sardaigne. Sur un fond azur, on y retrouve bien sûr aussi, à l’angle dextre du chef, le blason de la Maison de Savoie.
Dans les faits, si les couleurs du blason sont bien de Gueules et d’Argent (Rouge et blanc), il est à noter que la couleur officielle de la Maison de Savoie est l’Azur depuis 1366. C’est en effet le Comte Amédée VI de Savoie qui l’utilisa pour la première fois comme l’un de ses étendards (celui-ci représentant la vierge sur un fond bleu).
Ce fond azur sera encore présent sur le deuxième drapeau du royaume de Sardaigne (1816-1861), et sera utilisé pour faire office de bordure du blason de la Maison de Savoie sur le drapeau tricolore (vert, blanc, rouge) du Royaume d’Italie (1861-1946).
Bien que n’étant plus présent sur les armoiries actuelles de l’Italie, l’Azur est toujours la couleur officielle du pays, que l’on retrouve notamment sur les maillots de l’équipe sportive nationale.
1720 à 1792
Veyrier la sarde
Après que le Duc eut créé et développé, depuis Turin sa nouvelle capitale, une administration moderne et indépendante, Veyrier allait connaître une phase d’essor sous l’impulsion de Pierre-Claude de la Fléchère, seigneur d’Etrembières, de Symond et de Veyrier. Principal artisan de la création du territoire de Carouge en 1754, il allait aussi obtenir l’unification de ses terres en 1770 – en achetant notamment la seigneurie de Sierne – permettant ainsi l’érection du Comté de Veyrier.
En assurant désormais la basse juridiction sur ses terres, le Comte de Veyrier allait s’employer à moderniser le village et le reste du Comté. C’est ainsi qu’après avoir fait construire son château, il allait rénover l’église, assécher les marais, améliorer les voies de communication et, enfin, faire construire le pont de Sierne en 1782.
Cette date marque aussi la création de la province de Carouge qui désormais regroupe les baillages de Gaillard et de Ternier, ainsi que plusieurs autres paroisses détachées des autres provinces voisines.
Veyrier vit désormais à l’heure carougeoise !
1792 à 1804
Veyrier devient française et républicaine
En septembre 1792, les armées de la Révolution française occupent la Savoie. Quelques jours plus tôt, la France venait de s’affranchir de sa Monarchie constitutionnelle, donnant ainsi naissance à la 1ère République.
Veyrier intègre alors dans un premier temps le tout nouveau département du Mont-Blanc, formé par l’ancien duché de Savoie, puis ensuite celui du Léman qui se constitue après l’annexion de Genève à la France en 1798. La commune – qui n’avait plus connu de stationnement de troupes depuis fort longtemps – voit débarquer de nombreux soldats sur ses terres, au point que le château est muté en caserne et l’église – désaffectée par les sans-culottes – transformée en magasin militaire.
Claude-François-Marie de la Fléchère – Comte de Veyrier – est obligé de s’exiler à Londres alors que les jeunes gens de Veyrier sont « invités » à rejoindre les rangs de l’armée de la Liberté.
© Jean Plançon – La Mémoire de Veyrier, octobre 2016.