Savez-vous que la «Varappe» est née sur les pentes du Salève?

C’est en effet à la témérité d’un groupe de genevois parti à la fin XIXe siècle à la conquête de la «Varappe» – l’une des gorges raides et étroites qui entaillent le Salève – que l’on attribue l’origine de ce mot.

Dossier adapté du récit d’Elodie Le Comte: Au temps où escalade se disait Varappe, in journal Les Alpes, 2007.

Pilier de la cathédrale, bastion supérieur de la gorge de la Grande Varappe. Photo: Mermod.com

1860 – La gorge de la Varappe:

C’est dans les années 1860 que l’on note les premières explorations de la gorge de la Varappe, dont la première ascension de la Petite-Gorge en 1864. Ces initiatives restent toutefois très confidentielles et il faut attendre 1876 pour que la gorge de la Varappe soit parcourue pour la première fois à la descente. Les auteurs de cet exploit appartiennent à un cercle d’une quinzaine de membres, qui est alors naturellement baptisé La Varappe.

Ce groupe figure parmi les tout premiers clubs de montagne genevois recensés après la fondation de la section du CAS en 1865. Appelés d’abord ironiquement les « varappois » ou les « varappeux », puis plus respectueusement les « varappeurs », ces passionnés du rocher sont les premiers véritables grimpeurs du Salève.

Le Pas Tricouni (1905), dans la gorge de la Varappe. Photo: Brand, Saint-Julien et Neydens, © collection La Salévienne, carte n° 7016 (cliquez sur l’image pour l’agrandir).

Le Pas Tricouni (1905), dans la gorge de la Varappe. Photo: Brand, Saint-Julien et Neydens, © collection La Salévienne, carte n° 7016

1870-1914 – Le cercle de La Varappe: un modèle à suivre.

Le cercle de La Varappe sert rapidement de modèle à de nombreuses petites sociétés du même genre (Genève compte 42 clubs de montagne en 1914). Comparé au très académique Club alpin de l’époque, le cercle de La Varappe se caractérise par le jeune âge et le petit nombre de ses adhérents ainsi que par le déroulement informel de ses activités.
Les autres grimpeurs se moquent d’ailleurs assez souvent des haltes fréquentes et des plantureux repas qui ponctuent les sorties de la section genevoise. Ce sont pourtant ces jeunes gens, véritables casse-cous, qui vont propager la fièvre du rocher parmi les clubistes, voire même s’investir dans la section. Dès 1870, de nombreux passages sont ainsi ouverts au Salève, principalement dans le secteur des Petites Varappes:

Pas Güttinger, Cheminée de Lugardon, Cheminée Margot, Pas de Sacha, Pas Tricouni, autant d’appellations qui renvoient aux noms de leurs découvreurs et constituent une mémoire de l’escalade au Salève.

L’Aiguille de la Varappe. Photo: © Near-and-far.ch
(cliquez sur l’image pour l’agrandir).

L’Aiguille de la Varappe. Photo: © Near-and-far.ch

1883-La Varappe entre dans l’histoire:

L’année 1883 scelle l’entrée du terme varappe dans le monde de l’alpinisme et de la littérature alpine. Trois membres de La Varappe (Güttinger, Thury et Wanner), accompagnés du guide de Salvan G. Coquoz, accomplissent la première ascension du plus haut sommet des Aiguilles Dorées (3519 m), qu’ils baptisent Aiguille de la Varappe. La réussite de cette escalade, à laquelle bon nombre d’alpinistes renommés se sont déjà frottés, confirme les qualités techniques des grimpeurs du Salève. Il faut dire que les jeunes gens issus de tous milieux disposent là d’un merveilleux terrain de préparation aux Préalpes et aux Alpes. Il suffit d’évoquer le nom de Tricouni qui, en 1896, invente les premières ferrures pour chaussures de montagne, sécurisant ainsi considérablement la grimpe; mais aussi Marullaz, Dittert, Roch, Lambert, Boulaz ou Vaucher – auxquels pourraient s’ajouter ceux de grimpeurs contemporains – pour se convaincre que l’aventure de La Varappe a fait école !

Varappe en 1960. Photo: Richard Peter, Deutschefototek

Le développement de la Varappe au cours du XXe siècle:

Au début du XXe siècle, la varappe se développe et de nombreux nouveaux clubs alpins se créent notamment en Allemagne, en France, en Italie, en Angleterre et aux États-Unis. Le niveau des grimpeurs progresse vite malgré le matériel encore très basique et les premières voies dans le 5e degré de cotation sont rapidement ouvertes. En 1903, Siegfried Herford réalise l’ascension de Botterill’s Slab à Scafell au Royaume-Uni et Olivier Perry-Smith celle de Lokomotive Esse à Dresde en Allemagne. Ces deux voies atteignent alors la limite du système de cotation utilisé à l’époque et qui avait été créé par Hans Dülfer. Deux ans plus tard Perry-Smith ouvre un nouveau niveau de difficulté avec les réalisations de Teufelsturm et de Spannagelturm Perrykante. Ces voies seront classées par la suite dans le 6e degré, lors de la mise en place du système de cotation proposé par Willo Welzenbach en 1925.
À cette époque, ce niveau est considéré comme la limite des possibilités humaines dans le domaine de l’escalade. Pendant des années la varappe est pratiquée de manières très différentes selon les pays, les clubs alpins se réunissent alors à Chamonix en 1932 et fondent l’Union internationale des associations d’alpinisme (UIAA) afin de coordonner les actions des différents clubs et de gérer les problèmes inhérents au milieu de l’escalade. Durant le XXe siècle, la varappe, et l’escalade en général, progressent au rythme de l’évolution du matériel et des performances des grimpeurs, et des voies d’escalade de difficultés croissantes sont ouvertes au fil des années.

Le Bonhomme et le Sphynx, Grande Varappe. Photo: Mermod.com

1920 – Quand le verbe « Varapper » entre dans le dictionnaire.

En 1920, le dictionnaire Larousse reconnaît et définit ainsi le mot « varapper » : « verbe neutre (de Varappe, nom d’un couloir rocheux du Salève où les alpinistes s’entraînent à grimper dans les rochers alpins). Grimper dans les rochers en s’aidant des pieds, des mains, des genoux et des coudes ».

Le mot « varappe » viendrait de « var », c’est-à-dire « sommet rocheux et aride » et aurait une racine pré-indoeuropéenne.

A voir absolument

Varappe au Salève, reportage de 1966 de la RTS, Emission Le Magazine, Durée 6 mn et 16 sec (attention, les 20 premières secondes sont muettes).

Histoire de la Varappe au Salève, vidéo Dailymotion avec le récit de Jean-Jacques Asper et Yvette Vaucher, Alpinistes. Durée 7mn et 46 sec

A consulter également:

Varappe (Escalade), sur Wikipédia

Du temps où l’escalade se disait varappe, sur le site du téléphérique du Salève.

Felix-Valentin GENECAND, biographie de l’inventeur des ferrures d’escalade.

Remerciements pour les crédits photographiques à:

www.mermod.com, www.near-and-far.ch,

www.la-salevienne.org, et www.deutschefotothek.de