Caterpillar, une Société américaine à Veyrier

Dans sa séance du 18 février 1966 le conseil municipal de Veyrier apprend de la bouche d’Yves Martin que « Caterpillar va entreprendre des travaux importants pour l’édification d’un centre de formation professionnelle de ses agents. Etant donné le « format » de cette firme, c’est là une bonne affaire pour la commune ! »
COSA (Caterpillar Overseas SA) décide de construire sur une parcelle achetée à Louise Gal, proche des bois de Veyrier, un centre de formation au service de l’après-vente qui doit viser la satisfaction du client, l’un des objectifs de cette grande entreprise mondiale.
Les architectes mandatés sont Jean-Pierre Grand et Roger Praplan. Un projet est réalisé au début de l’année 1966. Le contrat définitif est signé le 1er août 1966 et le bâtiment de 16’000 m3 sera inaugurée en avril 1968. Le coût total de la construction est de CHF 2’806’000.-
Une construction sans problème : l’architecte Roger Praplan se souvient cependant de deux anecdotes :

-le chantier, au milieu des bois de Veyrier, ne possédait pas d’alimentation électrique. La soumission précisait donc bien que les premiers travaux devaient se faire avec un générateur propre à l’entreprise…un Caterpillar par exemple ! Lors de l’installation du chantier, le premier ouvrier arrivé demanda sur quelle prise électrique il pouvait brancher ses machines !
-le jour de l’inauguration, des machines Caterpillar (à moteur cette fois !) avaient été amenées pour des démonstrations. Stockées au froid ou à l’humidité, elles refusèrent de démarrer au bon moment !

Le Journal de Genève du 23 avril 1968 relate l’inauguration de ce centre Caterpillar.
« Construction basse, nette, discrète à l’orée du bois de Veyrier. Les architectes Grand et Praplan ont mené rondement, avec goût et savoir-faire ce travail que leur avait confié la Caterpillar Overseas SA. Cette grande compagnie américaine, dont le siège central est en Illinois, fabrique des machines de chantier et de terrassement.
Etablie depuis tantôt huit ans à Genève, elle a inauguré lundi à Veyrier un centre de formation technique équipé avec un soin et agencé avec un souci du détail tels qu’on en exige généralement d’une clinique. C’est dans ce bâtiment que seront reçus désormais pour des stages de perfectionnement de plus ou moins longue durée des collaborateurs de Caterpillar venant d’Europe, d’Afrique, du Moyen-Orient et de pays francophones d’autres parties du monde. Cent quatre-vingts cours y seront organisés cette année encore. Les locaux sont conçus de façon à accueillir jusqu’à 2000 stagiaires par an. »

Car la société tient à maintenir ses collaborateurs des services de vente et d’après-vente constamment au courant des progrès techniques et du fonctionnement détaillé des engins qu’elle vend. Tout est conçu à Veyrier pour combiner les enseignements théoriques avec les expériences pratiques. Cela tient à la fois du séminaire ultra-moderne et du laboratoire d’essais mécaniques.

Quatre classes de cours équipées des moyens audio-visuels les plus perfectionnés, huit ateliers modèles occupent l’essentiel d’une surface couverte de 2’750 m2, placée au milieu d’une belle parcelle de 28’800 m2. Ce centre ne servira pas seulement à la formation de tous les employés mais aussi aux stages de perfectionnement des ingénieurs, techniciens et mécaniciens d’entretien des trois continents. Les cours sont donnés en sept langues.

En présence des trois administrateurs suisses-MM. H. Huguenin, H.P. Brechtbuhl et J. Cottier-de nombreux invités représentant les autorités, les administrations, les organisations professionnelles-les dirigeants de la société ont fait visiter les locaux, les salles de théorie et les impressionnants ateliers du nouveau centre. Le président du conseil d’administration, M. Mark Clements, le directeur du centre, M. Charles Verbecke, le directeur des relations publiques, M. Heinz Rolli, les huit instructeurs et leurs collaborateurs ont fourni des explications très complètes sur le fonctionnement des installations.

Puis, au cours d’un aimable apéritif, M. Clements a prononcé un bref discours, pour remercier la population genevoise, les autorités cantonales et la commune de Veyrier de l’accueil réservé à la société qu’il dirige. Il félicita tous ceux qui avaient collaboré à la construction de ce centre. Il a salué notamment la présence de MM. A. Ruffieux, conseiller d’Etat, Yves Martin, secrétaire général du Département du Commerce et de l’Industrie, Gaston Genêt, maire de Veyrier, A. Forney, directeur de l’Administration des douanes, R. Vieux, directeur de la Police des étrangers, A. Degoumois, inspecteur cantonal du travail, Friedrich, directeur de l’Office de placement, Clément, directeur du VIe arrondissement des douanes, Wyler, directeur de Swissair pour la Suisse romande. Pour la commune de Veyrier, c’est un élément nouveau et appréciable de son évolution. » A.R.

« de 5 »

Dans la Gazette de Lausanne du 13 février 1967, Caterpillar est au centre d’un problème valdo-genevois ! Sous le titre « Mettre fin aux chicanes, la solidarité entre Etats, qualité qui doit encore s’épanouir » Gaston Nicole écrit :

« La société américaine Caterpillar -l’une des plus importante à Genève- s’est mis en quête, il y a longtemps déjà, d’un terrain de très vaste dimension pour organiser des démonstrations avec ses énormes engins. Très rapidement, il est apparu que le canton de Genève, enserré dans ses frontières, ne pouvait mettre à disposition les grandes surfaces nécessaires, condamnées à devenir un immense chantier de terres labourées et relabourées. La société hésita à émigrer en Belgique, où des terrains auraient pu être trouvés, mais préféra, en fin de compte, chercher du côté vaudois les espaces dont elle avait besoin. Après de nombreuses démarches, elle dénicha un nombre respectable d’hectares à Saubraz, près de Gimel, et les sous-loua dans la perspective de les acheter par la suite. Pour la commune, l’affaire parut d’emblée mirifique : c’était 3’000 à 5’000 francs qui devaient tomber chaque année dans la caisse ! Une aubaine. A Lausanne en revanche, l’enthousiasme fut moins général. Divers milieux estimèrent, à juste titre, que cette participation était dérisoire par rapport aux avantages dont Genève allait bénéficier en conservant cette société et aux ennuis imposés aux Vaudois. Pendant des mois un dialogue de sourds s’établit par-dessus le lac. Aux Genevois qui arguaient : « Quelque 2’000 personnes viendront chaque année visiter le centre de Saubraz et feront vivre cette région » les Vaudois rétorquaient : « Ces visiteurs débarqueront à Cointrin, logeront à Genève, et ne feront que passer à Saubraz, où moins d’une demi-douzaine de personnes travailleront en permanence ». Finalement un accord a été trouvé. » Caterpillar accepta de payer une indemnité annuelle de plusieurs dizaines de millier de francs pour la protection du site. »

Ces « questions d’épicerie » semblent entacher les relations valdo-genevoises de ces années-là. Il y a d’autres dossiers sensibles tels que l’aménagement de place de détente entre Nyon et Mies ainsi que les plages qui profitent plus aux Genevois qu’aux Vaudois (les Genevois ne donnent pas assez de subventions), le Grand Théâtre et Cointrin fréquenté par les Vaudois (ces derniers ne paient pas à la hauteur de leur fréquentation), les frais de construction de l’autoroute Genève-Lausanne, etc…

Heureusement, conclu Gaston Nicole dans son article, Genevois et Vaudois s’entendent parfaitement bien pour la construction à Verbois…d’une centrale atomique !

Le lundi 21 janvier 1991, la Tribune de Genève nous apprend dans un article titré « Veyrier/Création d’une zone d’activité à l’étude » que la parcelle Caterpillar déclassée en avril 1990 fait l’objet d’un plan localisé de quartier « en vue de la création d’au moins 5’000 m2 d’activité artisanale et 8’000 m2 d’activité tertiaire. »

Lorsque Caterpillar a quitté Veyrier en 1986, les bâtiments sont restés inoccupés plusieurs années de suite. L’architecte genevois Bernard Erbeia a élaboré un projet de locaux artisanaux sur le site dans le cadre de ses activités au sein de la Société de mise en valeur et d’exploitation du périmètre « Des Bois » à Veyrier SA. La crise immobilière fit capoter le projet et la société susnommée fit faillite. La commune, cherchant un lieu pour un nouveau groupe scolaire s’intéresse à la parcelle « ex Caterpillar » et finit par acheter une partie du terrain partageant le reste avec la fondation Girsa.

Finalement, le bâtiment Caterpillar bâti entre 1967 et 1968 sera détruit en 1999 et l’école de Bois-Gourmand construite et inaugurée en septembre 2001. Les premiers élèves ont eu le plaisir de découvrir ce complexe scolaire composé d’un bâtiment entièrement en bois abritant seize classes et d’une salle d’activités sportives. ForêtGenève, l’association cantonale des propriétaires de forêts, fournit le bois pour la chaufferie centralisée pour plusieurs bâtiments.

Par la suite, l’école privée juive Girsa, ainsi qu’un bâtiment de logements sont venus compléter cet ensemble proche de la forêt et de la nature.

Devant l’école s’élève l’œuvre « La Spiranimaux », sculptée par Sylvio Asseo et André Pisteur en 2004 dans le tronc d’un grand cèdre qui se trouvait sur la parcelle de l’ancien foyer de Sous-Balme, propriété de la fondation Jeanne-d’Arc.

Petite histoire de Caterpillar Inc.

Caterpillar Inc est un groupe industriel américain, fabriquant des machines dans les domaines de la construction, des mines et de la forêt. Ce manufacturier vend des bulldozers, des chargeurs sur pneus, des pelles mécaniques hydrauliques, des tombereaux, des décapeuses (scrapers), des moteurs Diesel ainsi que des groupes électrogènes. La marque est aussi connue par ses produits dérivés, notamment des chaussures, des sacs, des vêtements et des Smartphones, fabriqués pour Caterpillar par d’autres entreprises.
En 1890, Benjamin Holt et Daniel Best expérimentent différents tracteurs sur chenilles. Ils créent deux compagnies distinctes. Holt produit son premier tracteur à vapeur en 1904, et un modèle à essence en 1906. En 1915, les armées alliées utilisent un modèle de tracteur à chenille de Holt : le « Caterpillar » (chenille en anglais). Les sociétés The Holt manufacturing company et C.L. Best Tractor Co. fusionnent en 1925 et deviennent « Caterpillar Tractor Co. » Le premier moteur Diesel Caterpillar sort des usines de East Peoria dans l’Illinois, en 1931. La gamme des engins de génie civil est développée en 1940 et comprend des bulldozers et des niveleuses. En 1942, les armées américaines sont équipées de tracteurs, de niveleuses et de groupes électrogènes Caterpillar. La société fournit aussi des moteurs de chars d’assaut. En 1986, The Caterpillar Tractor Co. devient Caterpillar Inc. En 1997, la société acquiert la compagnie britannique Perkins (moteurs) et l’allemand MaK Motoren, et devient ainsi le 1er fabricant mondial de moteurs Diesel.

©Jean-Denys Duriaux – La Mémoire de Veyrier, février 2021.

Benjamin Holt et Daniel Best
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