De 1722 à nos jours, Il était une fois des cartes.

Veiry, Vairi, Veiri, Vairier, Veirier, Verrier, Veyrier…autant de noms pour un même lieu à travers le temps. Veyrier, et peut-être n’est-ce pas là son dernier nom, dévoile au présent son passé et vous invite à imaginer son futur.

Carte de Micheli du Crest 1722: « GENEVA CIVITAS »

Carte de Micheli du Crest 1722: « GENEVA CIVITAS »

Cette carte de Genève est l’œuvre de Jacques-Barthélémy Micheli du Crest, né en 1690 à Genève et mort en 1766 à Zofingue, et qui a été physicien, cartographe, géodésien et homme politique suisse.

Biographie de l’auteur :

La famille Micheli avait émigré de Lucques, en Toscane. Dès le milieu du XVIe siècle, elle possédait la seigneurie de Crest, près de Jussy, d’où les Micheli du Crest ont tiré leur nom. Dès l’âge de 23 ans, Jacques-Barthélémy devint capitaine d’une compagnie au service du roi de France et s’y fit remarquer comme constructeur de forteresses et comme ingénieur. En 1721, Micheli du Crest est élu au conseil des Deux-Cents – le parlement de la République de Genève. Sa formation l’a porté à s’occuper de la politique de sécurité et, en particulier, du projet de fortifications autour de la ville dont il dresse, entre 1725 et 1726, un plan intitulé « Geneva civitas » – qui ne sera finalement pas retenu.

Micheli du Crest entre alors en opposition avec les autorités genevoises et il doit s’enfuir en France, où il se consacrera plus particulièrement à la mise au point du thermomètre, en concertation notamment avec les savants de Réaumur et de Maupertuis. Micheli du Crest sera chassé de France à cause de ses positions politiques et passera en Suisse de nombreuses années en détention au château d’Aarburg, où il s’occupera en particulier de mesures barométriques et des questions de nivellement – en faisant graver sur cuivre son panorama des Alpes sous le titre de « Prospect géométrique des montagnes neigées ». Il mourra à Zofingue en 1766, peu de temps après sa deuxième détention.

1728 – La Mappe sarde

Le duc de Savoie et roi de Sardaigne Victor-Amédée II ordonna en 1728 d’établir un cadastre complet de toutes les parcelles de Savoie et de Haute-Savoie. Les travaux sur le terrain ont eu lieu entre 1728 et 1730 et l’application fiscale entrait en vigueur en 1738.

Le cadastre est composé de deux ensembles : des registres (9 livres) et une carte, la Mappe sarde. Il s’agit du premier cadastre graphique européen.

Les registres comprennent entre autre le nom du propriétaire, la surface et la qualité de la parcelle. Cette donnée permettait de fixer la valeur du terrain et le montant de l’impôt.

Le cadastre est une source très complète de données géographiques, historiques, économiques et humaines. Il nous informe sur l’état de propriété au temps du régime seigneurial.

Le géographe Dominique Barbero a créé un Système d’information géographique, un programme informatique permettant des recherches sur des sujets variés, tels les structures agraires du XVIIIè siècle, l’histoire du paysage, de la population, de l’aménagement, des zones inondables ou couloirs d’avalanche.

La mappe de Veyrier date de 1755, bien que les travaux sur le terrain avaient débuté en 1730 déjà. Ceci s’explique par le fait que la paroisse a été cédée par la République de Genève au Duché de Savoie lors du traité de Turin de 1754.

Les mappes sont effectuées à la plume, coloriées à l’aquarelle avec un souci du détail extraordi-naire. Les couleurs codent l’usage du sol : bâti en rouge, champs en jaune, les prés en vert. Les arbres et les vignes sont dessinés en élévation. L’eau est turquoise et les bornes sont signalées.

L’unité de mesure est le trabuc, utilisée dans le Piémont. Un trabuc équivaut à 3.144 mètres.

Sources :

  • Dominique Barbero, dans le livre « Veyrier », éditions Slatkine, 2010
  • Dominique Barbero, conférence donnée à Veyrier le 15.09.2010
  • Wikipédia, fr.wikipedia.org « Mappe sarde »

Plans des communes de VEIRIER et TROINEX – 1830
levés par J.R. MAYER, géomètre

Jean-Rodolphe MAYER, né à Carouge en 1805 et décédé à Carouge en 1882. Ingénieur géomètre, Mayer établit différents plans de la ville de Genève et des communes du canton, en partant des travaux de son grand-père Georges-Christophe. Il créa un atlas (25 planches et une carte d’ensemble) montrant avec précision la topographie et les divers types de cultures (1828-1833) et procéda à des travaux de mensuration pour la carte DUFOUR dans les cantons de Genève et de Vaud (1837-1848). Il dressa aussi des cartes dans le nord des Etats-Unis et, en 1861, élabora un plan de la ville de Genève avec numérotation des immeubles, sur la base d’une triangulation dont l’origine était fixée à l’Observatoire.

ECHELLES DES CARTES GEOGRAPHIQUES DE GENEVE

  1. Il convient de signaler que les cartes exposées peuvent être lues selon des échelles variables, telles qu’elles étaient en usage à l’époque dans la France ancienne et le Royaume de Sardaigne.
  2. C’est pourquoi aussi les échelles mentionnées sur ces cartes de Genève ne sont pas exprimées selon une base métrique, puisque ce système ne s’est imposé qu’au lendemain de la publication de la Carte DUFOUR, du nom de son concepteur, Guillaume-Henri Dufour, ingénieur, topographe et général suisse, qui a réalisé son projet entre 1845 et 1864. En fait, ce n’est qu’en 1877 que les poids et mesures en Suisse seront définitivement unifiés, lors de l’adoption du système métrique dans l’ensemble du pays.
  3. Pour l’anecdote, nous indiquons ci-après les mesures d’origine – ainsi que leur équivalence métrique – utilisées pour les cartes exposées ici (voir les légendes figurant généralement en bas à gauche du document) :
  • Le Pied (ou Pied de Roy), qui équivaut à 12 pouces de 2,7 cm. soit 0,325 mètre
  • La toise commune, qui équivaut à 6 pieds, soit 1,949 mètre
  • La toise de Genève, qui équivaut à 8 pieds, soit 2,59 mètres
  • La lieue de 25 au degré, ou lieue commune de France, qui équivaut à 2280 toises de 6 pieds, soit 4444 mètres
  • La grande lieue de France, de 3000 toises de 6 pieds, soit 5847 mètres
  • Le Mille de Piémont, qui équivaut à une demi-lieue commune de 25 au degré, soit 2222 mètres

PORTRAIT DU GENERAL DUFOUR

Henri Dufour (1787-1875)
Né à Constance, alors en territoire autrichien, d’un père horloger et d’une mère brodeuse, il fera sa scolarité à Genève.
En 1807, il est admis à Paris à l’Ecole Polytechnique (sans problème puisque Genève est française depuis 1798). Il devient un bon élève et finira 5ème de sa promotion ce qui lui donnera la possibilité de choisir son arme : ce sera le génie. Il s’initiera donc au système de fortifications à Metz puis à Corfou. De Corfou, il va suivre la débâcle napoléonienne : blessé, il sera prisonnier des Anglais en juin 1813. En 1815, il choisit de revenir en Suisse. En 1817, Henri Dufour est incorporé à l’état-major du génie fédéral. A Thoune il aura comme élève le futur Napoléon III. En 1828, il est nommé ingénieur cantonal et, afin de rendre la ville attractive au tourisme naissant et les quais abordables aux bateaux de commerce, il se lance, entre autres, dans l’aménagement du quai des Bergues, la construction du pont des Bergues, l’aménagement de Coutance et du quai du Seujet, et à l’aménagement de l’île aux Barques avec la statue de Rousseau réalisée par James Pradier (actuelle île Rousseau). Il participe à la création d’une ligne de chemin de fer reliant Lyon à Genève inaugurée en 1858. Il va aussi prendre part à la fondation de la Croix Rouge (son amitié avec Napoléon III lui sera bien utile), proposera à la première convention internationale le 22 août 1864 l’utilisation du drapeau à croix rouge sur fond blanc que l’on connaît encore aujourd’hui. Pendant que les délégués étrangers sont réunis à l’Hôtel-de-Ville, on se bat dans les rues de la ville. Les radicaux de Fazy dressent des barricades à Chantepoulet et tirent sur les opposants. Il y aura 5 morts et de nombreux blessés. Dès le lendemain, pour ramener le calme, la ville sera occupée par les troupes fédérales jusqu’au 12 janvier 1865.

Dufour topographe

Imitant la France, de nombreux pays font des projets de triangulation de leurs territoires en vue d’établir des cartes topographiques (Danemark en 1766, Saxe en 1780, Angleterre en 1784, Prusse en 1798 et Russie en 1799). En 1822, la Suisse se lance à son tour et confie la tâche aux autorités militaires. La triangulation pose problème dans les montagnes : il faut escalader de nombreux sommets et choisir ceux qui ont une vue suffisamment dégagée pour voir d’autres points de triangulation. En 1832, Dufour rejoint le projet : ses qualités humaines et ses connaissances de topographe et de cartographe vont être très utiles pour l’achèvement du projet. Il faut faire face aux difficultés financières, aux réticences de la population montagnarde qui voit dans ces topographes des espions ennemis, et au peu de soutien des cantons. Les paysans vont même jusqu’à détruire les repères topographiques pour en faire du bois de chauffage. En 1836, Dufour fixe l’échelle (1/100’000), le format (25 feuilles pour couvrir tout le territoire) et l’altitude (le Chasseral dont la hauteur a été déterminée par les topographes français servira de référence absolue pour les altitudes en Suisse). Puis il utilisera comme repère pour toute la Suisse les Pierres du Niton à 376,86 mètres au-dessus du niveau de la mer, altitude corrigée ultérieurement en 1902 à 373,60 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est pourquoi des indications d’altitude sur les cartes de la Suisse avant l’année 1902 sont plus élevées de quelque 3,26 mètres. Il décide d’ombrer par un éclairage oblique ses cartes afin de rendre bien visible les reliefs. Dès 1839 les premières cartes sont imprimées. L’ensemble du travail sera achevé en décembre 1864.

Les Bornes frontière

Le tracé actuel de la frontière a été arrêté par le traité de Turin, le 16 mars 1816.
Les 105 km de frontière avec la France ont été délimités par la pose de 475 bornes (268 avec la Haute-Savoie et 207 avec l’Ain) !

A cette époque, la Haute-Savoie faisait partie du Duché de Savoie et du Royaume de Sardaigne. Sur une des faces de la borne est donc gravé un S. La Savoie a été rattachée à la France en 1860 seulement.

Sur la frontière entre les communes de Veyrier et d’Etrembières se trouvent les bornes numérotées de 86 à 97.

Sur la face supérieure de la borne un dessin gravé précise le tracé de la frontière, ce qui permet de trouver la borne suivante.

La correction de la route nationale 206 au pied du Salève a nécessité une modification de la frontière. Celle-ci a été définie dans une convention passée en 1953. Les bornes ont été posées en 1981.

A Veyrier nous trouvons trois types de bornes : les bornes tronconiques en granit le long de la route nationale française, les seules de ce type à Genève, des bornes « type 4 » assez érodées entre le cimetière israélite et Sierne ainsi que des plaques métalliques rondes, « type 18 », incrustées dans le trottoir de part et d’autre du poste de douane.

La borne 88 au chemin de l’Arvaz porte deux dates : 1816, la date d’origine et 1902, la date d’un remplace-ment ou déplacement de la borne.

Sources :

  • Inventaire des bornes-frontière, Campagne 2006, Groupe 802, Genève – Haute-Savoie,
  • Direction Cantonale de la Mensuration Officielle, Jean-Paul Wisard, 2006
  • Encyclopédie de Genève 1982, tome 1, Le pays de Genève
  • Genève insolite et secrète, Christian Vellas, édition Jonglez 2010

…..Quelques étrangers célèbres et leurs impressions « genevoises »…

Lord Byron (1788-1824)
Le poète anglais, après des déboires amoureux dans son pays, se réfugie en Suisse, sans doute à cause des liens étroits qui unissent nos deux pays : c’est le temps des premiers touristes anglais, attirés par le romantisme des paysages alpins.
A Genève, George Gordon Byron loue la villa Diodati sur le coteau de Cologny, juste à côté de celle des époux Shelley avec qui il noue vite de profonds liens d’amitié. Le poète est plusieurs fois invité à participer aux réunions des érudits et notables genevois; il est également accueilli à Coppet, chez Madame de Staël – qu’il n’aime pas. Byron finira par s’isoler, ayant développé un ressentiment tenace à l’égard des Suisses: « La Suisse est un maudit pays d’égoïstes, de pourceaux et de brutes, placé dans la région la plus romantique du monde. Je n’ai jamais pu supporter ses habitants, et encore moins ses visiteurs anglais ».

Mary Shelley (1797-1851)
Femme de lettres anglaise, romancière, nouvelliste, dramaturge, essayiste, biographe et auteure de récits de voyage. Elle est surtout connue pour son roman « Frankenstein ou le Prométhée moderne » écrit en 1816 à Genève. Dans la villa Diodati à Cologny, Mary Shelley et quelques autres invités de Lord Byron sont retenus à l’intérieur par la pluie incessante. Lord Byron propose à ses invités de se divertir en écrivant chacun une « histoire de fantôme ». Pour Mary Shelley, ce sera Frankenstein.

Stendhal (Henri Beyle dit Stendhal) (1783-1842)
« N’est-il pas glorieux pour une petite ville de vingt-six-mille habitants de forcer le voyageur à consacrer trois pages à la description de son caractère? Ce voyageur serait bien embarrassé s’il lui fallait faire trois pages sur le caractère de l’habitant de Lyon, de Rouen ou de Nantes. Le curieux qui a vu Berne, Zurich, Bâle, et ce je ne sais quoi de « cotonneux » des autres villes de la Suisse aperçoit bientôt nettement tout ce que Genève doit à Calvin. » – Stendhal, Mémoires d’un touriste, 1837

Victor Hugo (1802-1885)
« Genève, depuis quinze ans, a été raclée, ratissée, nivelée, tordue et sarclée de telle sorte qu’à l’exception de la butte Saint-Pierre et des ponts sur le Rhône, il n’y reste plus une vieille maison. Maintenant, Genève est une platitude entourée de bosses… Genève n’en est pas moins une ville admirablement située où il y a beaucoup de jolies femmes, quelques hautes intelligences et force marmots ravissants jouant sous les arbres au bord du lac. Avec cela on peut lui pardonner son petit gouvernement inepte, ridicule et tracassier….Cependant encore un peu et Genève deviendra une ville ennuyeuse. » Victor Hugo, lettre à sa femme – 24 septembre 1839

Fiodor Dostoïevski (1821-1881)
« Cette ville est une horreur! Une vraie Cayenne! … Ils ont planté un vilain petit square, juste quelques buissons (pas un seul arbre) tout à fait dans le genre des deux squares moscovites de la rue Sadovaïa qu’on aurait réunis, eh bien, ils l’ont photographié et vendent les cartes postales avec ce titre: « Jardin anglais à Genève ». Dostoïevski, de passage à Genève en 1867

Un dossier de La Mémoire de Veyrier.

En coopération avec M. Rolf STAUB, La Salévienne, La Maison du Salève, la Direction Cantonale de la Mensuration Officielle et Le Centre d’Iconographie Genevoise.

© La Mémoire de Veyrier/2014