Histoires et Anecdotes de Veyrier
par Jean-Denys Duriaux

Le Trappeur

Dans une masure qui existe encore, en dessous du cimetière israélite, vivait au début du siècle un personnage original dont on parle encore à Veyrier : Edmond-Laurent Delieutraz, dit le Trappeur (1876-1923).

Il avait fait l’Ecole hôtelière de Berlin, avait servi sur des bateaux comme cuisinier et avait été trappeur au Canada. Il parlait l’anglais et l’allemand. Il travaillait de temps en temps comme interprète au funiculaire du Salève.

C’était un excellent braconnier qui savait prendre la truite à la main dans l’Arve, attraper un lièvre au collet dans les Iles, et même traquer serpents et grenouilles qu’il allait avaler vivants devant les clients médusés des cafés du village.

Avant de mourir, le Trappeur demanda qu’on l’enterre avec son vieux fusil. Et il prophétisa : « Je retraverserai une fois le village avec mon fusil ! » La concession funéraire arrivée à son terme, le fossoyeur, en creusant, trouva un crâne et un fusil. Intrigué, il prit le tout et traversa le village pour se rendre à la mairie. La prophétie du Trappeur s’était ainsi réalisée !

Les grenouilles du Petit-Veyrier

L’Ambassadeur Olivier Long fut chargé, dès 1960, d’entreprendre discrètement des démarches pour réunir les délégués de l’Algérie et de la France, et poser les jalons d’un accord qui mettrait fin à une guerre d’Algérie qui avait déjà fait des milliers de victimes.

La situation de son domaine du Petit Veyrier à cheval sur la frontière rendait bien service. Après un long travail de taupe, on en arriva à un accord secret en vue de la première conférence d’Evian. Mais le Palais fédéral, assailli par les journalistes, donna trop tôt les noms de ceux qui s’étaient occupés de l’affaire. Le Maire d’Evian fut tué, on prit peur, et ce sont deux gendarmes, Robert Mouche et Jean-Claude Corminboeuf, avec leurs chiens, dirigés par l’officier de sécurité Georges Bovet, qui surveilleront le domaine.

Grâce à la discrétion absolue d’Olivier Long – il était surnommé « le Sphinx » – grâce aussi à la surveillance 24 heures sur 24 du domaine, les pourparlers se déroulèrent sans incident majeur. L’Algérie retrouva la paix et son indépendance.

Pour la petite histoire, les grenouilles de l’étang jouaient le rôle des oies du Capitole. A leur manière de coasser et surtout de se taire, on pouvait détecter la présence d’un intrus !

Les déserteurs

Pendant la guerre du Sonderbund, en 1848, le Général Dufour mobilisa une armée de Confédérés pour obliger Fribourg qui le refusait, à exécuter l’ordre fédéral d’expulsion des Jésuites. Vingt jeunes Veyrites furent mobilisés, un seul partit. Et encore était-il ouvrier en ville de Genève. Les autres préférèrent déserter. Ils s’exilèrent et allèrent établir un campement au moulin de Veyrier, propriété de la famille Bosson, sur terre de Savoie. Ils avaient, en effet, appris à connaitre et à apprécier les Jésuites venus prêcher à Veyrier quelques années auparavant et refusèrent de s’en prendre à eux. A Genève, l’on crut à une insurrection et une escouade de gendarmes vint à Veyrier pour mettre de l’ordre. A la fin du conflit, les jeunes rentrèrent dans leurs familles et ils furent jugés et écopèrent de trois mois de prison à l’Evêché où ils purent recevoir des visites. En 1852, les esprits s’étant calmés, les jeunes fondèrent le jour de la Saint-Maurice, jour de la vogue, la Société des Garçons qui devint la Société de tir de Veyrier, toujours en activité aujourd’hui.

Les statuettes romaines

Le 11 février 1892 le Dr Hyppolite Gosse, conservateur du Musée archéologique de Genève, présenta à la Société d’histoire et d’archéologie deux statuettes en fer trouvées par un paysan en été 1891 dans les éboulis au-dessus des carrières de Veyrier. Il les attribua d’abord à un culte phallique gaulois et les plaça au Musée. Ces objets provoquèrent la joie égrillarde de nombreux spectateurs, bien que l’on eût exposé que la statuette féminine : en effet, « la virilité trop exubérante de son compagnon » l’avait fait reléguer au dépôt. En fait, ces « statuettes gauloises » étaient l’œuvre d’un forgeron de Veyrier, Ducimetière, dit Ragot, qui tenait en même temps un café. Il en tirait orgueil et profit –car elles attiraient des clients nombreux dans son établissement – et avait fait promettre à sa femme de les déposer dans son cercueil. Il les faisait lui-même passer pour des antiquités gauloises, prétendait les avoir découvertes dans le sol de Veyrier et les avait vieillies, rouillées et patinées en les laissant séjourner plusieurs semaines dans une fosse d’aisance.

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