L’école obligatoire à Genève, telle que réglementée en 1859 par le Conseil d’Etat

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La lecture du Règlement Général des écoles primaires et des écoles moyennes du canton de Genève, du 1er mars 1859, nous permet de constater qu’au-delà de la teneur purement historique et anecdotique des textes, la vie scolaire était fortement et sévèrement encadrée par des dispositions qui peuvent paraître aujourd’hui surprenantes, voire parfois même choquantes.
Mais c’est aussi le reflet de l’organisation sociale, politique et religieuse d’une époque où certaines tensions entre les communautés protestante et catholique, ou encore entre la Ville de Genève et les communes rurales, ont été parfois assez vives.
Voici donc ci-après quelques extraits de ce REGLEMENT GENERAL, touchant toutes sortes d’aspects de la vie scolaire genevoise :

Admission des élèves

ART. 2. Aucun enfant non vacciné, ou reconnu idiot, sourd-muet, aveugle, atteint d’une infirmité contagieuse ou repoussante, n’est admis dans les écoles.
Le Régent doit exiger le certificat de vaccine et l’enregistrer.

Année scolaire

ART. 6. L’année scolaire est divisée en 2 semestres, soit du 1er Juillet au 31 Décembre et du 1er Janvier au 30 Juin.

ART. 7. Le nombre des jours d’école est fixé à 5 par semaine, celui des heures d’enseignement à 6 par jour. Ce dernier ne peut être réduit à 5 que pour les degrés inférieurs des écoles réunissant les 6 degrés dans une même salle.

ART. 8. Le Département, sur préavis de l’Autorité Municipale, fixe pour chaque école et pour chaque saison l’heure d’ouverture et de fermeture de chaque séance.
L’école ne peut être ouverte plus tôt que 7 heures, ni plus tard que 9 heures du matin. Elle ne doit jamais être tenue à la lumière.

ART. 10. Les leçons de couture peuvent avoir lieu le jour de congé hebdomadaire.

ART. 12. Outre le jour de congé hebdomadaire, l’école est fermée :
Les jours légalement fériés ;
Le dernier et les deux premiers jours de l’année ;
Le jeudi, le vendredi, et le samedi de la semaine qui précède Pâques ;
Le lendemain de Pâques ;
Le lendemain des examens de classification du printemps ;
L’après-midi des différents concours, si l’examen a lieu le matin ;
Le lendemain de la distribution des prix.
Il y a vacance pour toutes les écoles pendant 3 semaines en été et 3 semaines en automne.

Travaux à domicile

ART. 19. Tous les élèves des écoles primaires dont astreints à des travaux à domicile journaliers dont la longueur et l’importance sont proportionnées à leur âge.
Les trois degrés inférieurs des écoles rurales peuvent seuls être exemptés de ces travaux.

ART. 20. Les livres, les cahiers et les autres fournitures nécessaires pour la confection des travaux à domicile, sont à la charge des parents. Ceux-ci reçoivent du Maître la liste des objets qu’ils doivent acheter à chaque passage de leurs enfants dans un degré supérieur.

Cette liste doit être revêtue de l’approbation de l’Inspecteur.
ART. 21. Aucune fourniture devant servir aux travaux à domicile ne peut être vendue par un fonctionnaire dans les écoles de la Ville ou de la banlieue.

Peines – Récompenses – Prix

ART. 24. Les peines en usage dans les écoles sont : les mauvaises notes, la retenue après la séance, le pensum, l’expulsion temporaire, la comparution devant l’Inspecteur et l’expulsion définitive.
Les punitions corporelles, la privation de nourriture, la prison, la mise à l’écart, les postures humiliantes sont absolument interdites, lors même que les parents demanderaient au Maître l’emploi de ces moyens disciplinaires.

ART. 29. Chaque élève reçoit à la fin de chaque mois un livret de témoignage constatant ses mauvaises notes, ses absences, ses arrivées tardives, et les diverses observations auxquelles sa conduite a donné lieu.
Ce témoignage mensuel est signé par le Maître et remis aux parents pour être visé par eux. Le bulletin des résultats de chaque examen de classification est inscrit dans le livret.

ART. 30. Les prix décernés aux élèves se divisent en 3 catégories : les prix de progrès, les prix de bonnes notes, les prix de concours.

ART. 31. Les prix de bonnes notes sont distribués une fois par an dans les Ecoles rurales, et deux fois dans les Ecoles moyennes, ainsi que dans les Ecoles primaires de Genève et de Carouge, aux élèves dont la conduite et l’application ont été les plus satisfaisantes.

ART. 32. Les prix de progrès sont décernés aux élèves dont l’avancement constaté par les examens a été le plus satisfaisant durant l’année.

ART. 33. Les prix de concours sont décernés aux élèves des degrés supérieurs des Ecoles moyennes et des Ecoles primaires, qui se sont le plus distingués dans une épreuve spéciale sur chaque branche de leurs études.
Ces épreuves sont appréciées par un jury nommé par le Département.

ART. 38 A toute distribution de prix, l’Autorité Ecclésiastique de chaque culte est autorisée à décerner à ses frais des prix aux élèves qui ont suivi l’enseignement religieux, conformément à l’art. 96 de la loi, et à faire un rapport sur cet enseignement.
Cette autorisation est accordée par le Département de l’Instruction publique huit jours avant cette distribution, sur la présentation de la liste des ouvrages décernés pour prix de religion et de celle des noms des élèves couronnés.

Nomination des fonctionnaires

ART. 43. Avant d’entrer en fonctions, les Régents et les Régentes prennent par écrit l’engagement suivant :

« Je m’engage à me conformer aux Règlements et Arrêtés relatifs à mes fonctions, à ne reconnaître pour tout ce qui concerne mon enseignement d’autre direction que celle qui émane du Département de l’Instruction publique, à ne rien négliger de ce qui peut hâter les progrès des élèves confiés à mes soins, à user à leur égard de la plus scrupuleuse impartialité, à leur inspirer en toute occasion un sincère esprit de tolérance ou de concorde, l’amour de la patrie, le respect des institutions démocratiques, des autorités constitutionnelles et des lois, à me perfectionner autant que possible dans les branches d’enseignement dont je suis chargé, à éviter dans mes paroles, dans mes actions et dans toute ma conduite, ce qui pourrait tendre à rabaisser aux yeux des parents ou des élèves, l’ascendant intellectuel et moral qui convient seul à mes fonctions, promettant de m’acquitter toujours de celles-ci avec exactitude, conscience, honneur et dévouement. »

Matériel de l’Ecole, …….

ART. 56. Indépendamment d’une salle d’école pourvue de ses dépendances nécessaires, la commune doit fournir les objets suivants : des pupitres avec une traverse pour les pieds, des bancs, une planche pour servir de case, une estrade avec tiroirs fermant à clef, 2 chaises au moins, un cadre pour les feuilles d’appel, une cloche, un époussoir, des balais et une clef du local pour le Régent.
Dans les communes rurales, une fontaine doit être à proximité de l’école ; dans les villes de Genève et de Carouge, la fontaine peut être remplacée par une pierre à eau.

ART. 57. Lors de la création d’une école, l’Etat fournit comme objets de premier établissement :

Une pendule, une ou plusieurs planches noires dont un côté est réglé pour la musique, au moins trois boîtes à compartiments pour les plumes, les porte-crayons, les règles et les baguettes ; les livres, soit pour la leçon de lecture, soit pour l’usage spécial du Régent ; les tableaux, les modèles d’écriture et de dessin, ainsi que leurs planchettes ou cartons ; les cartes de géographie, un atlas, un globe ; les ardoises, les encriers, les livrets de témoignage, les divers registres.

L’Etat accorde encore les fournitures journalières, telles que les plumes, les crayons divers et la
craie ; le papier blanc et le papier buvard ; le carton, les reliures et les divers formulaires pour rapports et résultats des examens ; les bons du dépôt ; les avertissements aux parents en cas d’absences ou de renvoi, etc.
Des boîtes à ouvrage pour la couture, des ciseaux, des dés, des aiguilles à tricoter, des étoffes, du fil, et des aiguilles à coudre.
Sauf les livrets de témoignage, aucun objet fourni par l’Etat ou la commune ne peut être transporté hors de l’école, sans une autorisation expresse de l’Inspecteur.

ART. 63. Le logement fourni par la commune au Régent doit être reconnu et accepté comme convenable par le Département. Il doit être indépendant et suffisant pour loger à l’aise la famille du fonctionnaire.

Enseignement de la couture

ART. 67. Les jeunes filles fréquentant les écoles primaires et les écoles moyennes reçoivent, en-dehors de l’enseignement ordinaire, sous la direction d’une Inspectrice, des leçons particulières de couture. Cet enseignement est donné par la Maîtresse dans les écoles de filles, et par une Maîtresse spéciale dans les écoles mixtes.
Il comprend en minimum par semaine 6 heures dans les premières et 7 heures dans les secondes.

ART. 74. Les Maîtresses spéciales reçoivent un traitement de 24 fr. par mois, dont un tiers est payé par la commune. Les frais de chauffage et de balayage sont à la charge de celle-ci.

Enseignement religieux

ART. 77. Aux termes de l’article 96 de la loi générale sur l’instruction publique, l’enseignement religieux est donné aux élèves inscrits dans les établissements d’enseignement primaire et moyen par les ecclésiastiques ayant charge d’âmes dans la commune où se trouve l’école, ou, sous leur responsabilité, par les Maîtres avec le consentement de ces derniers.

ART. 79. Les heures consacrées à l’enseignement religieux ne peuvent, en aucun cas, empiéter sur les heures destinées à l’enseignement littéraire. Le nombre en est arrêté par l’Autorité Ecclésiastique d’accord avec le Département.
Ces heures doivent être indiquées sur la tabelle de chaque école, et les leçons n’avoir lieu qu’à l’issue d’une séance, sauf autorisation de l’Autorité scolaire.

ART. 80. L’Inspecteur peut toujours assister aux leçons d’enseignement religieux données dans la salle d’école.

Dispositions financières

ART. 94. Le traitement fixe des fonctionnaires de l’enseignement primaire, déterminé par l’art. 102 de la loi du 25 Octobre 1848, est payé à la fin de chaque trimestre à la Caisse de l’Etat.
Toutefois la Caisse Municipale de Genève est autorisée à payer directement aux fonctionnaires la part qui lui incombe.

ART. 95. Les écolages formant le casuel prévu par l’article 102 de la loi sont payés à la fin de chaque semestre à la Caisse de l’Etat, sur un mandat du Département.

(Transcrit par B. Berger – Mémoire de Veyrier – Septembre 2013)