Les archives de la Paroisse catholique de Veyrier nous livrent leurs petits secrets !
La lecture des archives de la Paroisse catholique, consignées à la Mairie de Veyrier, a permis à nos « chercheurs d’histoires » de découvrir des textes à la fois intéressants et insolites.
En voici un ci-après, retranscrit intégralement et fidèlement d’une notice manuscrite tirée du Registre des baptêmes de l’année 1859 :
Notice du Curé BERTHIER sur la conversion des enfants Dénéreaz
« Je crois devoir rapporter ici, comment ces quatre enfants (Berthoud Toinette soit Louise, Dénéreaz Suzanne Elisa, Dénéreaz Charles, Dénéreaz Samuel) sont devenus membres de l’Eglise catholique.
Quelque temps avant la naissance de Samuel, je fis prier sa mère de venir à la Cure. Je me proposais de l’engager à faire baptiser catholique l’enfant que Dieu allait bientôt lui donner. Elle ne vint pas. Un mois après les couches, je la vis et je lui demandai si son enfant était baptisé. Elle me répondit que non. Je lui adressai alors quelques paroles, pour lui faire comprendre combien elle était imprudente de le laisser dans cet état : je lui rappelai toute l’importance du sacrement du Baptême, puis en terminant, j’ajoutai : »Vous avez déjà trois enfants protestants, vous devriez demander à votre mari, qu’il vous permît d’élever votre nouveau né dans la religion que vous professez. Dieu vous oblige de faire, pour le moins, cette demande. C’est déjà pour vous un malheur assez grand, que d’être mère de trois enfants qui ne sont pas catholiques. »
Elle me promit de faire la démarche que je venais de lui proposer. Huit jours plus tard, elle revient à la Cure, et m’annonce que sa demande n’a été ni agréée, ni refusée. A la vérité, son mari lui avait répondu qu’il ne laisserait pas baptiser son enfant dans l’Eglise catholique; mais il avait exprimé son refus de telle manière que sa femme avait pu comprendre qu’en insistant, elle obtiendrait un plein succès. Je l’engage donc à renouveler sa demande ; je la prie en outre de dire à son mari que j’aimerais le voir pour lui parler de son dernier enfant. Le demande est faite une seconde fois, Dénéreaz ne répond ni oui, ni non. On lui propose de venir à la cure ; mais, soit timidité, soit un autre motif, il ne se rend pas à cette invitation. Dis à Mr le Curé, répond-il à sa femme, que s’il désire me voir, il vienne chez moi. J’y allai et j’abordai sans détour le sujet de ma visite. Dénéreaz me fit tout d’abord la même réponse qu’il avait donnée à sa femme, la première fois qu’il qu’elle l’avait prié de permettre que son enfant fût baptisé catholique. Je ne le pressai pas, car je vis alors de mes propres yeux, que cet homme tout en refusant d’agréer ma demande et celle de sa femme, était dans des dispositions telles, que le moindre incident devait suffire pour l’amener à consentir à ce que nous lui demandions. Je ne me trompais pas. La Providence fit naître cet incident plus tôt encore que je n’osais l’espérer.
Samuel tombe malade. Un soir, qu’il souffrait de violentes douleurs, sa mère, s’adressant à Dénéreaz lui dit : Tu vois l’état de cet enfant. Nous ne pouvons pas le laisser plus long temps sans baptême. Il faut prendre une décision, que faut-il faire ? Eh bien, lui répond ce dernier, va trouver Mr le Curé. Elle vient, elle me rapporte les paroles de son mari. De plus, elle m’apprend qu’il consent non seulement à laisser baptiser le nouveau né, mais encore les autres enfants. Or, comme il s’agissait ici d’un fait assez grave, je voulus une seconde fois m’assurer que c’était bien là les intentions de Dénéreaz. Je fis donc rappeler son épouse et je lui adressai cette question : Pouvez-vous m’assurer que votre mari consent réellement à la demande qui lui a été faite ; qu’en outre, comme vous me le dites, il consent au baptême des deux sœurs et du frère de Samuel ? Oui Monsieur, me répondit-elle, je vous l’assure. Je n’avais plus à hésiter, et le jour même, je pris les mesures nécessaires pour les baptiser tous quatre ensemble.
Pour montrer que je ne m’étais pas fait illusion sur les véritables dispositions de Dénéreaz et pour expliquer comment il consentit à laisser baptiser ses quatre enfants lorsque nous le lui en demandions qu’un seul, je citerai le fait suivant, arrivé quelques jours avant le trente et un Décembre. Un soir, sans interpellation préalable de sa femme qui ne lui disait mot de ce dont elle l’avait entretenu depuis quelque temps, il s’adressa à elle et lui dit : Mr le Curé désire baptiser notre dernier enfant ? Il veut quelque chose de plus, il ne serait pas fâché d’administrer le baptême aux trois autres. Eh bien, je t’assure que si je consens à ta demande, je veux qu’il en soit ainsi : Tous catholiques, ou tous protestants.
Je dois en terminant cette notice faire l’éloge des personnes honorables qui furent choisies pour parrains et marraines des nouveaux baptisés. Quand je leur fis la proposition d’accompagner à l’Eglise et de tenir sur les fonts ces enfants que Dieu tout seul amenait dans le véritable bercail de J.C., elles l’acceptèrent avec joie et empressement. La cérémonie du baptême fut solennelle. Une nombreuse assistance contribuait à lui donner ce caractère. Toute la paroisse fut heureuse de ce petit événement.
Que Dieu veuille achever ce qu’il a commencé ! Qu’il place un jour dans son Eglise du ciel et ces quatre petits enfants qu’il a fait entrer dans son Eglise de la terre, et le pasteur de la paroisse de Veyrier, avec le troupeau confié à ses soins.
Je certifie conforme à la vérité, la relation ci-dessus.
Antne Berthier, curé
(Extrait du Registre des Baptêmes 1820-1867 de l’Eglise paroissiale de Veyrier. Texte manuscrit retranscrit par Bernard Berger/Mémoire de Veyrier/juillet 2013)