1911 – Veyrier et l’histoire du 1er vol plané international
Savez-vous que c’est depuis les pentes du Salève, au lieu-dit Sous-Balme, et en direction de Veyrier, qu’eut lieu le 3 septembre 1911 le premier vol international d’un planeur de pente…ancêtre de nos actuels deltaplanes.
Retour sur un épisode peu connu de notre histoire locale :
Otto LILIENTHAL, pionnier allemand de l’aéronautique. Collection Wikipédia.
Aux origines du planeur.
C’est au XVe siècle que Léonard de VINCI étudie et conçoit, sans succès, les premiers planeurs. Il faut cependant attendre la fin du XIXe siècle pour qu’aient lieu les premiers essais concluants de vol de pente en planeur avec Otto LILIENTHAL (1848-1896), grand pionnier allemand de l’aéronautique.
Entre 1891 et 1896 ce dernier construit pas moins de 16 machines à faible allongement (assez proches des deltaplanes pendulaires de notre époque), mais aussi des grands biplans qui lui permettent de réaliser plus de 2000 vols planés (d’une distance de 80 à 300 mètres).
1909 – Naissance du Club Genevois d’Aviation
En septembre 1909 une douzaine de passionnés genevois se lancent aussi dans l’aventure du vol plané et fondent le CGA – Club Genevois d’Aviation. Ils construisent alors une première machine – un planeur de pente biplan surnommé le « Vol-au-vent » – et font les premiers essais en février 1910. Remorqué par une voiture, le Vol-au-vent décolle depuis une prairie située au Petit-Lancy, près de la brasserie Tivoli, et réussit à faire un vol de 15 secondes sur une trentaine de mètres.
Le « Vol-au-vent » de la CGA – 13 septembre 1910. Collection Pionnair-GE
Trois autres machines sont alors construites mais les essais restent cependant peu concluants car les endroits pour pouvoir s’élancer dans de bonnes conditions font singulièrement défaut sur Genève. Il faut en effet non seulement bénéficier d’une pente suffisante, mais aussi d’un peu de vent pour améliorer la portance de l’appareil. De fait, les accidents sont nombreux, entraînant des blessures et des dégâts répétés sur les appareils.
David-André DELUZ en 1913. Collection Pionnair.GE
David-André DELUZ et son planeur Montgomery
C’est le genevois David-André DELUZ (1889-1977), un des membres fondateurs du CGA, qui va donner une impulsion notable à la discipline. En 1910 il construit à Veyrier, avec son frère, le planeur « Montgomery-Deluz » (une variante améliorée du Planeur Santa-Clara n°4 de l’américain John-Joseph MONTGOMERY). Avec une envergure de 7m, le Montgomery-Deluz est long de 7,5m et dispose d’une surface portante de 20m2 pour un poids total de 28kg. Il faudra 6 mois de travail aux frères DELUZ pour construire l’appareil, les dimanches uniquement.
Le Planeur Chanute vers 1900. Collection J2mcl- Planeurs
25 avril 1910 – Le Montgomery-Deluz en construction à Veyrier. Collection Pionnair.GE
Le Planeur Chanute vers 1900. Collection J2mcl- Planeurs
Entre temps, David DELUZ pratique toujours des vols tractés, parfois dangereux, comme celui du 9 avril 1910 à Tivoli, avec le « Chanute », un vol qui se termine par une glissade de côté après une chute d’une dizaine de mètres de haut. L’une des cordes latérales destinées à l’équilibre horizontal s’est en effet rompue : « Je m’en suis tiré avec une légère foulure ; quant à l’appareil, il n’en restait plus que la moitié. »
1911, le « Montgomery-Deluz » s’envole des pentes du Salève vers la Suisse
En septembre 1911, le CGA fait une sortie avec tous ses membres au pied du Salève, à Sous-Balme, juste au-dessus de Veyrier, par un temps caniculaire. Quatre appareils sont là sur une prairie en pente: le « Montgomery-Deluz », le « Chanute », le « Dragon » et « l’Hirondelle », un monoplan pesant 20 kg pour 9m d’envergure et 15m2 de surface, appartenant à Pierre BRASIER.
En ce dimanche 3 septembre, David DELUZ, 22 ans, enfourche son planeur à Bossey, près de la Grande-Gorge et s’envole en direction de la Suisse tout en esquivant un noyer. Voici un extrait de son récit :
« Après les essais de divers appareils demeurés infructueux parce que trop lourds, j’eus le privilège d’étrenner l’appareil monoplan en tandem que j’avais conçu et construit en collaboration avec mes collègues du club. Le moment venu je me suis lancé du haut de la pente et au bout de quelques pas d’élan, assis sur un bambou, l’appareil m’emporta dans les airs pour un vol de plus de 100m à 5/6m de haut, ceci naturellement sans aucune aide extérieur. L’atterrissage se fit normalement. Après quelques autres vols, l’appareil déporté par le vent, atterrit finalement sur un noyer du voisinage, sans mal pour moi heureusement. »
Le Montgomery-Deluz prêt à s’envoler, le 3 septembre 1911. Collection Pionnair.GE
Les différents essais de DELUZ se montrèrent concluants, et comme les divers atterrissages s’effectuèrent sur territoire suisse, proche des terres de Troinex et de Veyrier, ils furent considérés comme les 1ers vols libres internationaux de l’histoire même si les performances furent inférieures à celles pratiquées ailleurs !
Le planeur Montgomery-Deluz à l’assaut des U.S.A. !
Le succès de ces vols met en évidence les qualités d’un appareil qui est alors salué dans le monde entier. En 1912 la CGA décide de le construire en série sous la dénomination de planeur type « Genève ».
Le Montgomery-Deluz. Collection Pionnair.GE
Il est alors acheté en Suisse, en France, mais surtout aux U.S.A. où on lui reconnaît de « merveilleuses qualités de stabilité, de longueur et de facilité de manœuvrabilité ».
L’engouement des genevois pour les vols planés ne durera cependant qu’assez peu de temps et s’arrêtera avec la Première Guerre Mondiale. Il faudra attendre les années 1930 pour que le vol avec planeur revienne à la mode. Enfin dans les années 1970, le Salève renoue avec le vol plané sur pente avec l’apparition des ailes delta et autres deltaplanes.
L’histoire est-elle un éternel recommencement ?
Peut-être bien en ce qui concerne le Salève et les vols planés. Toujours est-il que c’est un Veyrite – Henning DELUZ – petit-fils de David-André DELUZ, qui effectuera en 1980 le premier looping en deltaplane au-dessus du Salève (voir photo dans le diaporama).
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Ce récit est tiré en partie d’après le texte de Jean-Claude Cailliez, sur le site Pionnair.GE, le site des pionniers de l’aéronautique à Genève. Pour en savoir plus sur le sujet, cliquez sur le lien suivant: Pionnair.GE
Voir aussi diaporama ci-dessous
